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C’est sur ces traits de psychologie romaine, déjà notés par Belli au hasard de l’observation, mais qui prêtaient à une étude plus approfondie et à un développement plus ample, que se porta l’effort de pénétration et de création de Pascarella. Il eut l’idée que les expressions du langage populaire auraient plus de saveur, que les traits du caractère et de l’esprit romain apparaîtraient mieux, s’il mettait dans la bouche du conteur non plus une histoire personnelle, mais une histoire vraiment « historique, » connue de tous, et d’un intérêt général. Car ainsi il donnerait aux réflexions naïves plus d’occasions de se produire, il ferait mieux sentir, et plus agréablement, les déformations que l’imagination populaire inflige à la mesquine vérité, et dans l’âme du lecteur il éveillerait un mélange de sympathie et d’ironie très indulgente.

Il imagina donc de faire raconter par un homme du peuple l’histoire de Christophe Colomb ; et pour que le récit fût complètement naturel, il supposa son historien improvisé assis au cabaret, à l’osteria, dans un cercle de Romains et de Romaines qui l’interrompent de leurs exclamations et de leurs questions. Telle est la suite de cinquante sonnets qui a pour titre La Scoperta de l’America, la Découverte de l’Amérique (1894).

Pour commencer, le Romain établit un lien inattendu entre l’anecdote de l’œuf de Christophe Colomb, et la découverte : « Et comme les gens en riaient, lui, sais-tu ce qu’il a fait, un jour ? Il a pris un œuf, et là, en présence de tous ceux qui ne voulaient pas y croire, il leur a fait : Je vais vous le prouver tout de suite. Et là, devant tout le monde, sans dire un mot, il a pris l’œuf, et, sans plus de manières, paf ! il le fait tenir droit. Et en voyant cet œuf-là droit sur ses pieds, même les plus contraires et les plus malcontens, eh ! par Saint-Marc, il a bien fallu qu’ils commencent à croire ! » Mais il y a des obstacles que les meilleures preuves ne font pas tomber. « Comme c’est l’habitude en ce chien de pays, quand il voulut trouver de l’appui pour les dépenses de la découverte, il fut obligé d’aller ailleurs. Et comme, à ce temps-là, régnait un roi d’Espagne portugais, il alla en Portugal, et là il lui demanda la permission de lui parler un petit quart d’heure. II lui fit un discours un peu général, et puis il lui dit : J’aurais l’intention, si vous m’aidez, de découvrir l’Amérique. » — Je cite le dernier tercet pour montrer, sur un court exemple, ce qu’il y a d’art simple et discret dans la suspension de la phrase aux