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d’efforts ; il faut aussi celui des pouvoirs publics, auxquels devront être demandés des sacrifices pécuniaires. Nos maîtres, dans leur sincère désir du progrès, se sont déjà prêtés à de plus graves changemens, et, le jour où la conviction se sera faite dans leur esprit, ils ne reculeront pas devant une tâche nouvelle. Leur dévouement sera récompensé par le plaisir qu’ils auront de contribuer au rajeunissement de tout notre enseignement secondaire, au réveil de l’attention languissante, à un vif renouveau de curiosité. Quant au ministre qui se chargera de solliciter auprès du parlement la dotation nécessaire, les bonnes raisons ne lui manqueront pas pour démontrer que ce ne sera point là de l’argent mal employé. Les leçons qu’il s’agit d’instituer ne peuvent manquer d’exercer une influence durable sur le développement de l’intelligence des jeunes gens qui seront appelés un jour à composer l’élite de la nation ; elles auront des effets sociaux que le législateur doit prendre en très sérieuse considération.

La France, par suite d’événemens qui ne sont que trop présens à toutes les mémoires, n’a plus, ni dans la vieille Europe, ni dans le monde plus large de la planète déjà presque tout entière conquise à la civilisation, la prépondérance politique et militaire dont elle a pu s’enorgueillir dans d’autres temps. Ce qui fait encore son prestige et sa gloire, c’est surtout la vigueur et l’originalité de sa pensée, avec le privilège qu’elle possède de savoir, grâce à la clarté de sa langue et à la rigueur de ses méthodes d’exposition, communiquer cette pensée ; c’est le génie de ses savans, de ses écrivains, — et de ses artistes.

S’il est, en effet, un terrain sur lequel, de l’aveu même des étrangers, la France garde encore sa prééminence, c’est celui de l’art, et nous avons tout lieu d’espérer que les comparaisons qui s’apprêtent ne paraîtront pas nous avoir fait déchoir de ce haut rang ; mais, depuis quelque temps, en Angleterre et en Allemagne, on a dépensé presque sans compter pour créer ou pour développer l’enseignement de l’art industriel. Des écoles ont été fondées en grand nombre où les méthodes sont à la fois plus pratiques et plus savantes que celles qui sont appliquées dans le peu que nous avons d’établissemens similaires. Les élèves de ces écoles trouvent leurs modèles dans des collections plus riches et mieux classées que celles dont disposent nos ouvriers d’art ; aussi le goût s’est-il singulièrement affiné chez nos voisins. Le sentiment et l’amour des belles formes tendent à s’y répandre de plus en plus