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pères de la patrie, etc. Pourtant, du Ier au IVe siècle de notre ère, le caractère du pouvoir impérial s’était profondément modifié. On a écrit des volumes pour expliquer ce changement ; mais est-il rien qui nous le rende aussi sensible que la comparaison des images de ces princes ? Auguste, dans la plus belle peut-être de ses statues, celle dite de Prima Porta, a la tête, les bras, les jambes et les pieds nus ; par-dessus le vêtement court du soldat, il porte la cuirasse sur laquelle est jeté le manteau militaire. Là l’empereur est le chef de guerre, qui harangue ses soldats. Ailleurs, il est, comme un simple citoyen, drapé dans la toge et il tient à la main le rouleau sur lequel est écrit le discours qu’il va lire au Sénat. C’est encore les mœurs de la Rome républicaine ; c’en est tout au moins le costume et le décor. On saisit là, sur le vif, l’esprit et le mensonge du principat, de ce régime mal défini qui, tout en investissant un seul homme d’un pouvoir à peu près sans contrôle, affecta, pendant deux siècles, de conserver les formes de l’antique liberté. Regardez, au contraire, l’image de quelqu’un des successeurs de Dioclétien, de l’un des empereurs qui ont résidé de préférence dans la nouvelle capitale de l’Empire, à Constantinople. Ne la cherchez pas dans les statues d’apparat, où, par routine, le sculpteur reste encore quelquefois fidèle à la donnée classique ; demandez-la plutôt à des monumens d’un autre genre, où l’artiste se tient plus près de la réalité, aux peintures des manuscrits, aux mosaïques et aux diptyques d’ivoire. Là, ce que vous verrez, ce sera une figure qui n’a plus rien du type simple et noble que Rome avait emprunté à la Grèce, une figure qui, par certains traits, rappelle le vieil art de l’Asie et, par d’autres, annonce déjà celui du moyen âge. La tête est ceinte du diadème ; le corps et les membres sont entièrement cachés sous des draperies collantes qui sont à la fois très longues et très étriquées ; les étoffes qui forment cette sorte de gaine sont, de haut en bas, décorées de riches broderies, qui dessinent des motifs très variés, rosaces et fleurs, animaux et personnages. Il n’y a pas à s’y tromper ; nous ne sommes plus à Rome ; les fictions si longtemps entretenues ont achevé de s’évanouir ; l’empire a tourné à la monarchie orientale.

Entre les deux termes extrêmes de la série, que de nuances encore on observe qui, signalées à l’élève par le maître, fourniraient à celui-ci le meilleur commentaire de l’histoire ! Les têtes des premiers Césars, même celle de Claude, cet érudit égaré sur