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grandes « contorsions » et des yeux « mourans, » et trouvait fort mauvais qu’on lui préférât Corneille. Mlle Diodée faisait fuir les gens à force de belles pensées sur Zoroastre ou Hermès Trismégiste. Une autre ne parlait que d’éclipsés et de comètes. Leur pédantesque séquelle transportait d’horreur « l’honnête homme. » Plus il était de haute naissance, plus il estimait un affreux malheur d’être marié à une « savante. » Par contre-coup, les jeunes filles les plus nobles étaient aussi les plus ignorantes. Mlle de Maillé-Brezé, nièce du cardinal de Richelieu, était complètement illettrée lors de son mariage avec le grand Condé, en 1641. On trouva que c’était aller trop loin, et l’on profita de la première campagne de son époux pour la dégrossir : « L’année d’après son mariage, nous dit Mademoiselle, elle fut envoyée au couvent des Carmélites de Saint-Denis, pour lui faire apprendre à lire et à écrire durant l’absence de monsieur son mari. »

Les Contes de Perrault, miroir fidèle des mœurs de leur siècle, nous apprennent ce que devait être une princesse « accomplie. » La Belle-au-Bois-dormant a pour marraines toutes les fées qu’on peut trouver dans le pays, « afin que chacune d’elles lui faisant un don… la princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables… La plus jeune lui donna pour don qu’elle serait la plus belle personne du monde, celle d’après qu’elle aurait de l’esprit comme un ange, la troisième qu’elle aurait une grâce admirable à tout ce qu’elle ferait, la quatrième qu’elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu’elle chanterait comme un rossignol, et la sixième qu’elle jouerait de toutes sortes d’instrumens dans la perfection. » Perrault avait calqué sa princesse sur celles de la vie réelle. La Grande Mademoiselle fut élevée exactement comme la Belle-au-Bois-dormant. Sa gouvernante avait trop d’expérience pour la charger d’une science qui l’aurait rendue redoutable aux hommes, et s’en remit aux fées du soin de lui donner » toutes les perfections imaginables. » Il en manqua malheureusement plusieurs au baptême ; les fées n’avaient donné à Mademoiselle ni une voix de rossignol, ni une grâce admirable. Sa ressemblance avec les héroïnes de Perrault n’en est pas moins frappante. Il y a parenté évidente d’esprit et de sentimens. Les princesses des Contes n’ont jamais en tête que d’épouser le fils du roi. La Grande Mademoiselle fut convaincue par tout ce qu’elle voyait et entendait que la Providence n’y va pas à l’aveuglette en créant une personne » de sa qualité, » et