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général de Galliffet au ministère de la Guerre. Il y a longtemps qu’il aurait dû y être. Le général de Galliffet ne représente pas seulement, comme on l’a dit, notre vieille armée avec les héroïques qualités guerrières qui l’ont rendue ou maintenue si grande, même dans ses malheurs ; mais encore l’armée intelligente et laborieuse qui a su reconnaître ses défauts et se corriger elle-même, l’armée moderne, l’armée actuelle, à laquelle, surtout dans l’arme de la cavalerie, il a plus que personne contribué à donner l’impulsion réformatrice, la forte cohésion, l’entrain, l’élan qu’on aime lui reconnaître aujourd’hui. Si on songe aux ministres de la Guerre que nous avons vus défiler depuis une quinzaine d’années, et qui tous, certes, n’ont pas apporté dans leurs fonctions une compétence ni une autorité incontestables, on se demande pourquoi tant d’hommes politiques qui ont été chargés de former des ministères n’ont pas songé au général de Galliffet. Mais, soyez-en sûrs, ils y ont songé ; seulement ils n’ont songé à lui que pour l’écarter ; et pourquoi ? Parce qu’il déplaisait aux radicaux, et encore plus aux socialistes. Ce n’est pas assez de dire qu’il leur déplaisait : il était pour quelques-uns d’entre eux un objet d’épouvante et de haine. Autour de son nom ils avaient construit une légende, en faisant retomber sur lui, et bientôt même sur lui tout seul, la responsabilité de ce que, d’après l’histoire telle qu’ils l’ont faite, il y avait eu d’odieux dans la répression de la Commune en 1871. On se rappelle ces jours terribles, Paris en feu, les otages massacrés, et l’armée de Versailles frémissante d’horreur, obligée de se défendre contre des Français après avoir échappé aux balles et aux obus allemands ! Mais nous ne voulons pas insister sur ce crime de la Commune, le plus grand peut-être de notre histoire. Aussi bien M. Brisson, et cela l’honore, a-t-il rappelé que ces faits avaient été couverts par une amnistie, et que cette amnistie devait faire l’oubli sur tous, sans exception. L’oubli, oui, nous le voulons bien ; mais, s’il s’agit de pardon, tout le monde n’en a pas besoin, et moins que personne n’en ont besoin les officiers qui commandaient l’armée de Versailles, c’est-à-dire l’armée de la France : ils ont dû, avant tout, protéger la vie de leurs soldats. S’il y a eu alors des choses pénibles, comme il y en a dans toutes les guerres, mais surtout dans les guerres civiles, et plus encore dans les combats étranglés entre les murs d’une rue, à qui la faute ? Tous nos généraux, tous nos officiers ont fait leur devoir ; ils l’ont fait avec tristesse, mais avec résolution, le général de Galliffet comme les autres. Bien loin de s’en excuser, il a mis plus que de l’indifférence à laisser les rancunes et les colères des factieux de cette époque ou de leurs