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Si la généralisation se fait d’emblée, rien ne peut sauver le malade, pas même l’opération. Si la propagation se fait progressivement et d’une manière plus lente, c’est le cas de choix pour l’intervention chirurgicale. Celle-ci peut sauver le malade qui, sans cela, serait fatalement voué à la mort.

Toute la difficulté est de savoir si l’accès que l’on observe va se limiter à tel ou tel autre de ces stades. On répète à juste raison ici ce que les médecins ont coutume de dire à propos de la pleurésie ; « On sait comment elle commence : on ne sait jamais comment elle finit. » Il y a des accès qui se réduisent à une simple crise douloureuse ; il y en a d’autres qui aboutissent très rapidement à la perforation et à la péritonite suraiguë. Ces formes foudroyantes sont fréquentes surtout chez les enfans. Elles ne laissent pas au médecin le loisir de temporiser et de voir venir.

La plupart des chirurgiens anglais, et beaucoup de chirurgiens français avec eux, préconisent au début un traitement médical, consistant en repos au lit sous une vessie de glace, diète absolue et emploi de l’opium à hautes doses. Ce traitement favorise la localisation de la maladie ; il aide la nature qui tend au même but. Il échoue naturellement dans le cas d’une infection péritonéale généralisée d’emblée ; mais alors tout échoue et l’opération chirurgicale elle-même est sans espoir.

Le cas le plus embarrassant, et aussi le plus discuté, est celui de la conduite à tenir après la guérison spontanée d’une première crise. Le rétablissement n’est pas toujours absolu ; il est rarement suivi d’une restitution complète, ut ante ; c’est plutôt un assoupissement qu’une extinction définitive du foyer. L’incendie peut renaître. C’est alors que les chirurgiens sont unanimes à conseiller une opération à froid, en pleine paix, pour ainsi dire. Et c’est à cette prudente mesure, à cette intervention préventive que les médecins hésitent à acquiescer et les malades à se soumettre.

Le cours des choses amènera évidemment la solution de ces questions litigieuses. Les problèmes sont posés. L’expérience de nos successeurs les éclairera ; et cette expérience ne manquera pas de matériaux, s’il est vrai, comme le prétendent quelques médecins à la suite de Bogoluboff, que l’appendicite devient de plus en plus fréquente et qu’elle semble même prendre quelquefois un caractère épidémique.


A. DASTRE.