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débattre. La médecine a mis plus d’un siècle à la résoudre. Elle en a entrevu d’abord une bonne solution : puis elle a adopté la mauvaise : et enfin, depuis dix ans environ, elle est revenue à la vérité première. C’est ce retour au passé qui est le fond de la découverte dont se fait honneur la médecine contemporaine.

L’appendicite n’était donc pas entièrement inédite avant ces dernières années. De bons observateurs, tels que Mestivier au milieu du siècle dernier, Jadelot au commencement de celui-ci, mais surtout Mélier en 1827, avaient entrevu d’abord, puis nettement reconnu l’existence d’un état inflammatoire localisé à l’appendice à l’exclusion du cæcum, et pouvant aboutir à l’ulcération, puis à la perforation de ce diverticule, c’est-à-dire à une issue de matières dans la cavité de l’abdomen et, en fin de compte, aux diverses formes de la péritonite. Quelques médecins distingués, Grisolle, Forget, Leudet, confirmèrent cette vue, d’après laquelle le point de départ de ces accidens intestinaux plus ou moins redoutables serait dans l’appendice.

C’est l’autre alternative qui fut adoptée et devint classique. La partie incriminée fut le cæcum, non l’appendice. On admit que l’arrêt des matières ou d’autres circonstances, mal connues, étaient capables d’en provoquer l’inflammation (typhlite) ; celle-ci pouvait être suivie de perforation, soit en avant, dans la cavité abdominale (péritonite), soit en arrière (abcès de la fosse iliaque).

L’erreur a été redressée depuis quelques années. Des chirurgiens américains, à la suite de Reginald Fitz en 1886, intervenant au début des accidens de la prétendue typhlite, furent surpris de trouver un cæcum indemne et un appendice lésé. Les anatomistes vinrent à la rescousse en montrant que les principes et les faits s’opposaient à ce que l’inflammation du cæcum pût se communiquer directement au tissu cellulaire de la fosse iliaque. Ces résultats s’accordaient avec ceux des autopsies, révélant aux praticiens que les lésions les plus constantes et les plus profondes siégeaient du côté de l’appendice, et non point du cæcum. On avait donc indûment attribué à l’un des organes ce qui appartenait à l’autre. Les choses ont été remises au point ; et finalement l’appendicite a détrôné la typhlite ; elle l’a remplacée dans le cadre nosologique.

Les erreurs classiques ont la vie dure. Il est plus facile d’établir une vérité nouvelle que de détruire une erreur ancienne. La lutte de l’appendice contre le cæcum a donc exigé beaucoup d’efforts et de pénétration ; elle a fait couler beaucoup d’encre ; après beaucoup de dissections et d’opérations, elle a donné lieu à beaucoup de joutes oratoires.