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agricoles et fabriqués, il y a dans cette région des sources de trafic qui proviennent du transit du sel ; Barth parle du départ d’une caravane de 10 000 chameaux se rendant aux salines de Bilma, situées au nord-est d’Agadès, dans le pays dit de Kaouar. Il reconnaît que le chiffre des chameaux peut être un peu exagéré, mais qu’il n’en résulte pas moins un énorme mouvement. Il semble découler de son texte que plusieurs fois par an des caravanes de ce genre, sinon exactement de cette importance, traversent Agadès ou l’Aïr[1].

Indépendamment de tout projet de Transsaharien, il ressort donc comme évident que l’on devra construire une ligne ferrée, reliant l’Aïr, tout au moins à partir d’Agadès, 17e degré, plus probablement à partir de Tintelloust, 18e degré et demi, au Soudan, mettons à Sinder, point assez central ; ce serait une longueur de 600 à 700 kilomètres à déduire de celle du Transsaharien proprement dit, puisqu’elle aurait sa nécessité propre en dehors de toute jonction de l’Algérie avec la région du Tchad. Il est même très vraisemblable que cette ligne ferrée, simplement soudanaise, devrait un jour être prolongée à l’est jusqu’à l’oasis de Bilma, qui approvisionne aujourd’hui entièrement le Soudan de sel. Il y a des chances sérieuses pour que ces lignes soudanaises, desservant la partie tropicale du Sahara, soient rémunératrices.

Si l’on retranche ces tronçons qu’il faudra toujours faire, soit les 370 kilomètres de Biskra à Ouargla et les 600 ou 700 du Soudan central à l’Aïr, on voit que la longueur prévue de 2 600 à 2 700 kilomètres pour le chemin de fer de jonction de l’Algérie et de la région du Tchad, se réduit, en réalité, à 1 600 ou 1 700 kilomètres. Voilà la longueur du Transsaharien à proprement parler ; cette ligne, dont le seul nom épouvante les gens superficiels, se réduit à des proportions vraiment des plus modiques.

Si la longueur n’a rien d’effrayant, la nature du pays peut-elle faire reculer devant l’œuvre ? Il s’agit de traverser le Sahara, c’est-à-dire un désert, ce que le public, d’après la convention, se représente comme une immense étendue de sables mouvans, soulevés et remués en tous sens par les vents. D’abord, l’on se trompe complètement sur ce qu’est un désert et notamment le désert du Sahara ; le sable, les dunes, n’y occupent que des parties restreintes, surtout dans la région qui offre le tracé le plus naturel

  1. Reisen und Entdeckungen, etc., von Dr Heinrich Barth, t. 1er, p. 467, 468.