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ne nécessite qu’un médiocre effort ; ce serait à peine, dans l’état actuel du monde, une très grande œuvre.

L’appel si éclatant de M. Duponchel frappa l’un des hommes qui ont le plus longtemps détenu le gouvernement depuis 1870, M. de Freycinet. Il était alors ministre des Travaux publics ; ingénieur, lui aussi, de profession, et homme à projets, il conçut qu’il y avait là pour la France et pour lui-même une occasion qu’on ne devait pas laisser perdre. Il constitua une grande commission officielle pour étudier l’utilité, la possibilité et le tracé d’un chemin de fer transsaharien. Chose curieuse, cette commission officielle travailla, fit de bonne besogne et, autant qu’il dépendait d’elle, aboutit. Diverses missions furent envoyées dans le Sud-algérien du côté de l’ouest et du côté de l’est. L’ingénieur des ponts et chaussées Choisy dirigea cette dernière ; il parcourut 1 250 kilomètres en quatre-vingt-dix-sept jours, et ramena tous ses hommes sains et saufs ; cette exploration parut décisive pour la première partie du trajet, et la ligne de Biskra-Ouargla fut recommandée comme le point de départ du chemin de fer transsaharien. Il restait à étudier toute l’énorme zone s’étendant entre nos avant-postes dans le sud et le Soudan même. On jugea qu’il convenait de confier cette tâche à un officier expérimenté ; on la donna au lieutenant-colonel Flatters, parfaitement maître de la langue arabe, ayant occupé longtemps le poste de commandant supérieur du cercle de Laghouat. Ses instructions portaient qu’il devait « diriger une exploration avec escorte indigène pour rechercher un tracé de chemin de fer devant aboutir dans le Soudan, entre le Niger et le lac Tchad. » Il lui était recommandé de se mettre en relations avec les chefs touareg, de chercher à obtenir leur appui, et de conserver à l’expédition un caractère essentiellement pacifique. La mission, outre le colonel, se composait de neuf membres : quatre officiers, quatre ingénieurs et un médecin. A la fin de janvier 1880, elle était à Biskra, en partait pour Ouargla, où elle recrutait quatre-vingt-quinze hommes de service, ordonnances, guides et chameliers. Jusqu’au 24 avril, elle s’enfonça dans la direction du sud-est, passant par El Biod, Timassinin, la vallée des Ighargharen, longeant le lac Menghough, nappe d’eau de 4 kilomètre de long, 400 à 200 mètres de large, 4 de profondeur, abondant en poissons et en hérons ; poussant un peu plus au sud-est, elle arriva à 120 kilomètres de Ghat. À ce point, elle trouva une hostilité déclarée de la part des Touareg ; il fallait