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de tolérance avaient la généreuse ambition d’élargir le champ de la pensée afin qu’on pût à souhait le meubler et l’enrichir, la théorie maçonnique dépeuple ce champ, elle paralyse l’initiative des semeurs ; elle méconnaît ou elle ignore ces « phénomènes mystérieux de la conscience et de la pensée, » dont parle quelque part M. Armand Gautier, et qui, d’après lui « échappent à la fois à l’expérience et à la mesure et font partie du domaine métaphysique[1]. » Elle s’annonce avec fracas, s’affiche avec une impérieuse emphase ; et puis, en lin de compte, autour d’elle et derrière elle, elle n’a fait que le vide…


III

C’est la haine de toute religion et de toute métaphysique qui assure à la philosophie maçonnique une apparence d’homogénéité et une parfaite fixité d’attitude : elle est, avant tout, anticonfessionnelle, et plus spécialement antipapiste ; et la maçonnerie qui la professe doit être, suivant un mot de M. Fernand Faure au convent de 1885 l’« Association professionnelle des libres penseurs[2]. » « Cette philosophie est essentiellement agissante, déclarait M. Hubbard au convent de 1897 ; elle commande une politique[3]. » Et il définissait cette politique : « Chacun de nous, comme citoyen, peut avoir son guidon préféré, mais il y a un drapeau commun qui nous abrite tous, radicaux, progressistes, socialistes, sous les mêmes plis. Ce drapeau n’est directement opposé qu’à la bannière papiste. Il servira de ralliement, à l’heure du scrutin décisif, à tous ceux que la philosophie humanitaire a pénétrés de l’esprit de solidarité. C’est le drapeau de la philosophie[4]. » La harangue de M. Hubbard répondait si intimement aux sentimens de l’assemblée, que M. Rabier, député d’Orléans et membre du Conseil de l’ordre du Grand Orient, en fit voter, par acclamation, la diffusion dans le monde profane. Il résultait de ce « magnifique discours, » — l’éloge est encore de M. Rabier, — que la maçonnerie a une politique et que cette politique est le corollaire —

  1. Leçons de chimie biologique, 2e édit., II. p. 811.
  2. C. R. G. O., 20-25 sept. 1897, p. 287.
  3. B. G. O., nov.-déc. 1885, p. 708.
  4. C. R. G. O., 20-25 sept. 1897. p. 295.