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tant arraché de pommes de terre. Jamais tant de troupeaux de moutons n’avaient trotté sur les cimaises. Ces paysans sont les Picards de M. Boquet, les Bretons de M. Bouché, les gens de Concarneau de M. Borchard, les bergers de M. Charpin, et de M. Binet, les Landais de M. Mondineu, les Solognots de M. Guignard, les Bretonnes au reliquaire de M. Adan, les entasseurs de meules de M. Dieterle, les riverains de M. Muenier, les Provençaux de M. Montenard, de M. Aubin, de M. Tragardh et de M, Eug. Burnand, les lutteurs bretons de M. Simon, les Bretons de M. Buland, les Gascons de M. Laubadère, les paysannes de M. Gros, de M. Guiguet, de M. Feyen, et de M. Laugée, la vie aux champs de M. Brouillet, les arracheurs de pommes de terre de M. Souza-Pinto, les paysans de M. Lagarde, de M. Moncourt et les pêcheurs de cent autres encore.

Parmi eux, on reconnaît quelques vieux ou jeunes maîtres. C’est M. Jules Breton avec sa scène d’incendie aux champs, le Cri d’alarme, et son duo d’amour la nuit, l’Heure secrète ; — M. Lhermitte, avec le Réveil du Faucheur', les Lavandières et l’Heureuse famille, un titre qu’on croirait donné par Greuze à quelque envoi au Salon de l’an VIII ; M. Montenard avec les Vendanges, le Battage du Blé et Sur les aires ; enfin M. Cottet avec ses paysannes de la mer, ses femmes d’Ouessant, penchant leurs têtes-lasses sous le poids des Deuils.

Devant ces petits cadres qui ne sont pas les plus entourés par la foule, arrêtons-nous longuement. Ce ne sont point tous des chefs-d’œuvre, mais ce sont les signes du mouvement le plus curieux de notre temps, celui qui nous tourne vers les paysans, dans l’art, dans la littérature et dans la vie. Il est d’autres œuvres aussi fortes, plus fortes peut-être dans les Salons de 1899. Nous ne les analyserons pas. Il ne sera traité ici ni de ce souple portrait de M. Dagnan, où les yeux semblent regarder l’avenir, ni de ce hautain portrait de M. Bonnat, où les yeux semblent regarder le passé, ni de la saisissante figure du Prince de Hohenlohe par M. Laszlo, ni des précieuses Taches de soleil de M. Claus, ni des inoubliables Terres antiques de M. Ménard, ni de la Nuit en Normandie de M. Thaulow, où les ombres des arbres vivent et rampent comme des serpens. — Et si c’est un regret que de passer devant ces pages sans s’y arrêter, on se souviendra qu’un plan une fois adopté ne saurait être suivi sans quelque sacrifice, et que d’ailleurs, à vouloir parler de tous ceux qu’on admire,