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la formation de la jeunesse. En Suède et en Angleterre, le même effet eut d’autres causes. Le système de Ling conquit les Suédois à l’idée que la santé se conserve et que beaucoup de maladies se guérissent par la gymnastique scientifiquement pratiquée. On les a vus depuis lors fréquenter en foule leurs instituts et y venir puiser la nouvelle eau de Jouvence. Quant aux Anglais, ils notèrent un jour qu’Arnold, Kingsley et quelques autres fabriquaient de la force morale avec du sport et, leur incrédulité première n’ayant pas tenu devant les résultats atteints, ils gardèrent la recette et s’en servirent.

En Hollande, les choses se passèrent autrement. Les collégiens regardèrent sans doute, — comme je me souviens de les avoir regardés moi-même vers 1885, — quelques Anglais ou Anglo-Hollandais jouer au cricket sur une des belles pelouses du bois de La Haye et ils prirent intérêt à ce spectacle. Jusque-là, comme, hélas ! beaucoup de jeunes civilisés, ils avaient sauté sans transition des turbulences anodines de l’enfant aux distractions sédentaires de l’homme fait. Il n’y avait rien pour eux entre le cerceau et le bock, et naturellement ils étaient plus tentés de devancer l’âge du bock et de la cigarette que de s’attarder à celui du cerceau. Bizarre lacune de la civilisation que cette absence, à l’époque la plus importante de la vie, de plaisirs organisés… À force de regarder jouer au cricket, ils eurent le désir d’y jouer aussi. Des lycéens français eussent été trouver leurs parens ou leurs maîtres pour leur communiquer ce désir et demander conseil et appui. Ceux-ci s’associèrent, et, comme il n’y avait pas de mal à jouer au cricket, on les laissa faire. Ils achetèrent un matériel et trouvèrent un terrain. D’autres imitèrent leur exemple. Bientôt on put conclure des matchs et dès lors, l’émulation aidant, le mouvement s’accentua. L’envie leur vint de quelque chose de plus entraînant : ils s’éprirent du foot-ball, puis des courses à pied. En même temps la bicyclette opérait à travers les habitudes de paresse musculaire de notre vieux monde sa bienfaisante trouée. La Hollande, pays des courtes distances et des routes plates, lui devait être une proie facile. La vogue du grand bicycle-araignée y avait été moins éphémère qu’ailleurs et on le vit, jusqu’à l’invention de la bicyclette, courir entre les arbres le long des canaux tranquilles.

La bicyclette a été pour la propagation des sports un auxiliaire imprévu et tout-puissant. Lorsqu’elle ne sera plus qu’un