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prenait pour instrument de sa pensée, ou bien à la leçon d’une peinture exécutée jadis dans un monastère. Aussi les œuvres des verriers furent-elles longtemps raidies par une discipline qui ne laissait point de champ à la fantaisie individuelle. Il n’y a point de grotesques sur les vitraux, point d’animaux qui ne soient des symboles, point de feuillages vivans. Le décor végétal qui forme les bordures est stylisé comme les personnages. L’art du vitrail est resté pendant plus de cent ans un art hiératique, dans le sens propre du mot, comme la mosaïque dont il jouait dans les églises françaises le rôle lumineux. Les peintures en verre n’étaient que des miniatures agrandies et transfigurées par le soleil. Elles perpétuaient, entre les piliers élancés d’une architecture jeune et sortie du peuple, les formules de l’iconographie codifiée dans les vieux cloîtres.

En pouvait-il être de la sculpture en pierre comme de la peinture en verre? Une même tradition artistique a-t-elle pesé sur les dessinateurs de vitraux et sur les tailleurs d’images?

On ne peut oublier qu’au moment où la sculpture monumentale reparut en France, dans les premières années du XIIe siècle, il y avait plus de cinq siècles qu’un sculpteur allemand, italien ou français n’avait ébauché une statue. À Byzance même, au milieu du grand effort artistique qui suivit le rétablissement du culte des images, au milieu du IXe siècle, pas un artiste ne songe seulement à représenter une scène évangélique ou un épisode légendaire dans quelque bas-relief inspiré de ceux qui avaient couvert les sarcophages jusqu’au temps de Justinien. À peine peut-on signaler quelques figures des saints et de la mère de Dieu debout ou assise sur le champ d’une plaque de marbre. Ces bas-reliefs encastrés aux murs des églises, et qui restent étrangers à la suite majestueuse des peintures et des mosaïques, décor officiel de l’édifice, sont de simples icônes, devant lesquelles on vient pendre des lampes. L’image sainte en marbre poli n’est que l’agrandissement des images d’ivoire que les riches conservaient dans leurs oratoires privés.

Et en effet la sculpture ne s’exerce plus que sur des œuvres minuscules, dans des matières rares et coûteuses; elle n’est plus que ciselure et orfèvrerie. Comme la peinture, au temps des iconoclastes, était réduite à la miniature, la sculpture, du VIIe siècle au XIIe, ne pouvait s’élever au-dessus des bijoux d’ivoire ou de métal. Même des œuvres hardies, en apparence, comme les portes