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vases précieux, il inscrivit son nom comme une signature.

On ne peut citer, en pendant à la célèbre abbatiale, aucune cathédrale dont Fauteur spirituel soit connu. Les évêques qui ont pu donner le plan d’une décoration savante restent anonymes comme les maîtres de l’œuvre. Au moins connaît-on, grâce à M. Mâle, quelques-uns des écrits théologiques où les clercs ont puisé les idées qu’ils ont transmises aux sculpteurs et aux peintres. Les livres dont on reconnaît le plus sûrement l’influence dans des œuvres d’art du XIIIe siècle sont ceux d’Honorius d’Autun, mort vers 1152. Un sermon sur l’Annonciation que ce docteur a inséré dans son « Miroir de l’Eglise » (Speculum Ecclesiæ) fournit, figure par figure, l’interprétation d’un portail de la cathédrale de Laon, consacré tout entier à exalter la virginité de Marie. Le même sermon, complété par trois sermons sur la Nativité, la Résurrection et l’Ascension, a été illustré par les peintres qui ont développé, sur une grande verrière de la cathédrale de Lyon, le double symbolisme des scènes bibliques et des animaux réels ou imaginaires qui figurent ces quatre mystères de la Nouvelle Alliance.

Il n’est pas douteux qu’entre les compilations énormes qui recelaient ces étranges secrets et les artisans qui furent chargés de les dévoiler à une foule, des prêtres se sont toujours interposés : quel est le tailleur d’images ou le dessinateur de vitraux qui eût compris la pensée compliquée de tels livres, à supposer qu’il fût capable de lire le latin? Y eut-il jamais un maître de l’œuvre assez érudit pour avoir esquissé lui-même, d’après ses lectures, la figurine allégorique de la Philosophie telle que la décrit Boèce et telle que M. Mâle l’a reconnue sur un portail de Laon : une femme échevelée, dont la tête se perd dans les nuages, et qui porte gravées sur la bordure de sa robe deux lettres grecques mal copiées, un θ et un π,, qui sont les initiales des deux parties de la philosophie, la théorique et la pratique?

D’ailleurs, le contrôle exercé par l’Église sur le choix des sujets sacrés qui devaient se grouper sur les murs de la cathédrale, est attesté suffisamment par les rapports étroits que l’on peut saisir entre l’iconographie et la liturgie. C’est ainsi que les artistes ne représentent jamais toutes les scènes de la vie du Christ. Ils ne suivent pas l’Évangile, mais la série des grandes fêtes chrétiennes. Aussi, après avoir raconté l’enfance du Sauveur, arrivent-ils d’un trait à sa Passion, de manière à illustrer exclusivement