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violente colère, maltraita le trop complaisant Rœderer et raya lui-même tout ce qui avait rapport à la succession et à l’hérédité.


8 juillet 1802.

Si la fausse démarche de Rœderer irrita le Premier Consul, l’impolitique arrêté qui en fut la suite dut offenser vivement le Sénat. Les débats y furent très violens, lorsqu’il s’agit de voter sur le Consulat à vie ; et ce fut alors que l’honnête Lanjuinais alla jusqu’à dire que, par cette démarche, les Français allaient se choisir un maître dans une nation où les Romains ne voulaient pas prendre leurs esclaves.

Un sénateur nommé Villetard observa que, dès que le gouvernement s’adressait au peuple, le Sénat n’avait plus le droit de parler. Son avis l’emporta et le Sénat n’ouvrit pas de registres. Le Tribunat et le Corps législatif n’avaient pas les mêmes prétextes pour se taire. On sait comment ils ont voté. Carnot fut du petit nombre des refusans et conclut ainsi son vote : « Je sais que, je signe ma proscription… Non. » Voici l’épigramme que ce vote a fait éclore :


Vous dites oui, moi je dis non :
Mon avis diffère des vôtres.
Je signe ma proscription :
Parbleu ! J’en ai signé tant d’autres !


Toutes les autorités constituées ont été obligées de suivre l’exemple du Tribunat et du Corps législatif. Il en a été de même de tous les gens en place, sans en excepter les comédiens. Mais il s’en faut de beaucoup que leur conduite ait été imitée par tous les citoyens de la capitale : personne n’a eu envie de voter contre la magistrature perpétuelle du Premier Consul, mais très peu de gens se sont souciés d’être connus pour l’avoir votée.

Le résultat des votes dans les départemens a été beaucoup plus favorable. Il n’y a que deux partis en province : les honnêtes gens et les Jacobins. Si les Jacobins refusent de signer, les honnêtes gens signent. Ajoutez que plusieurs préfets ont reçu des ordres pour se procurer des voix.

Les départemens réunis ont offert le plus de votans. Le département d’Aix-la-Chapelle donne à lui seul 89 000 oui et 247 non. Les bons Allemands sont encore sur tout cela de la meilleure foi ; chez eux tout vote et on ose dire oui comme non. Je ne parle pas des votes individuels recueillis surtout par le Journal