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enquêtes qu’elle jugerait utiles à la découverte de la vérité, et finalement rendre son arrêt. On peut critiquer et on a critiqué cette disposition de la loi, mais elle existait, et il était dangereux de la changer en cours d’instruction. Cette loi, comme beaucoup d’autres, a été faite trop vite. Elle n’a pas tout prévu. Elle n’a pas tenu compte de tous les élémens qu’elle aurait dû concilier. Combien le législateur, — puisque c’est ainsi qu’on l’appelle, — aurait été mieux inspiré, s’il avait décidé qu’une affaire instruite par la chambre criminelle devrait, ou du moins pourrait être soumise à la Cour plénière, délibérant et prononçant toutes chambres réunies ! Les difficultés de l’heure présente auraient été évitées. Quoi qu’il en soit, la chambre criminelle poursuivait son œuvre, au milieu des accusations chaque jour grandissantes d’une moitié de la presse, tandis que l’autre moitié se prononçait en sens contraire, et mettait à la soutenir la même violence qu’on mettait à l’attaquer. Tout d’un coup, un incident s’est produit. Un président de chambre à la Cour de cassation a donné sa démission avec éclat, avec fracas ; et il s’est fait immédiatement journaliste pour appeler le public à se prononcer sur la valeur de ses griefs contre ses collègues de la veille. Nous ne jugeons pas M. Quesnay de Beaurepaire ; ce serait encore trop tôt ; et d’ailleurs l’opinion qu’on peut avoir sur l’homme, et même sur l’acte qu’il a accompli, n’a qu’un intérêt secondaire. Que valent ses accusations ? Sont-elles vraies ou fausses ? Sont-elles fondées ou inexactes ? Tout est là. M. Quesnay de Beaurepaire a reproché à un certain nombre de membres de la chambre criminelle d’avoir, d’une manière plus ou moins inconsciente, manqué à leurs devoirs. Ils auraient apporté dans l’exercice de leurs fonctions un esprit qui n’était déjà plus impartial au moment où a commencé leur enquête, et, depuis, ils se seraient laissé entraîner à des actes répréhensibles. Ils n’auraient pas eu ce calme impassible, cette réserve, cette sérénité, cette dignité, qui, aux yeux de M. Quesnay de Beaurepaire, sont l’apanage du magistrat. Il a demandé une enquête et s’est fait fort d’y fournir la preuve de toutes ses allégations. L’enquête a eu lieu : ses résultats ont été négatifs. Toutefois, la lettre que les trois conseillers enquêteurs ont écrite à M. le garde des Sceaux conclut « qu’il serait sage, dans les circonstances exceptionnelles que traverse le pays, de ne pas laisser à la chambre criminelle seule la responsabilité de la sentence définitive. » « Nous ne suspectons, disent-ils, ni la bonne foi, ni l’honorabilité des magistrats de la Chambre criminelle ; mais nous craignons que, troublés par les insultes et les outrages, et entraînés, pour la plupart, dans des courans contraires par des préventions