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ils font passer sur les jeunes semis de lourds rouleaux unis, des rouleaux plombeurs, qui tassent la terre et en diminuent les vides.

Je me suis assuré, par des expériences directes, exécutées par la méthode des cadres, qu’une terre est moins poreuse, moins chargée d’air, après le roulage qu’avant cette opération, et d’autre part, ce qui était bien facile à prévoir, que l’eau s’élève plus facilement, plus haut, dans une terre tassée que dans celle qui a été ameublie, et, comme l’eau descend plus lentement dans un sol serré que dans une terre émiettée, on conçoit que le roulage soit tout à fait favorable à la réussite des semailles. Cette coïncidence entre les pratiques agricoles et les expériences de laboratoire nous affermit dans cette opinion que les diverses façons qu’on donne à la terre ont pour effet d’y assurer le mouvement de l’eau, mouvement de descente quand il s’agit de créer l’approvisionnement, mouvement ascensionnel, maintien dans les couches superficielles, quand il faut les conserver humides, pour assurer la levée des semis.

Nous avons fait travailler les charrues, les herses, les rouleaux ; les plantes semées commencent à montrer leurs tiges vertes ; allons-nous pouvoir nous reposer et attendre en paix la moisson prochaine ? Oui, sans doute, si nous avons ensemencé d’immenses espaces de peu de valeur, comme le font les Américains, et qu’il nous suffise d’une maigre récolte pour obtenir quand même de bons bénéfices ; non, au contraire, si nous visons les hauts rendemens et si, avec le blé, nous cultivons, en outre, betteraves et pommes de terre.

Les travaux du printemps et de l’été sont tellement impérieux que, pour les exécuter, nous réclamons une main-d’œuvre étrangère et que nous faisons venir, jusque dans le centre de la France, des équipes de Flamands, ou de Bretons, pour biner nos betteraves, ou sarcler nos pommes de terre.

L’âpre lutte pour la vie existe entre les espèces végétales aussi bien qu’entre les animaux. Les longs espaces vides que laissent entre eux nos jeunes semis sont bientôt envahis par les plantes adventices vigoureuses, robustes, qui reparaissent toujours, malgré le combat que nous leur livrons sans cesse ; elles s’installent, enfoncent leurs racines dans le sol, y puisent l’eau, les engrais, et prospèrent au grand détriment de nos jeunes semis, encore incapables de se défendre.