Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/894

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en concluant que ce phénomène est indépendant des nouveautés scolaires. Une remarque subsiste, inattaquable : c’est que ces nouveautés ont été impuissantes, non point seulement à diminuer les totaux des statistiques criminelles, mais même à en empêcher l’accroissement.

En 1887, au Congrès des instituteurs, réuni à Paris, un président du Conseil municipal disait à nos maîtres d’école : « Vous exercez un superbe sacerdoce. Votre modestie ne vous empêche pas de vous dresser fièrement, avec l’assurance d’être vraiment utiles, contre toutes les superstitions, contre tous les mystères, contre tous les dogmes surannés, condamnés par la science et le progrès, mais toujours puissans. » De nombreux maîtres entendirent ce langage : sacrés prêtres, ils regagnèrent leurs écoles « neutres, » çà et là dans le pays ; ils se dressèrent fièrement… Et peu d’années après, leur « assurance d’être vraiment utiles » expirait en une déception ; l’anxiété des sociologues commençait d’humilier leur naïve fierté. De l’humiliation au découragement, du découragement à l’aigreur, la pente est rapide et fatale. Et, dans les rapports départementaux de 1898, certains indices semblent dénoter que le maître d’école est sur cette pente. L’inspecteur du Cantal nous apprend que les jeunes instituteurs ont tendance à se plaindre, à se croire sacrifiés ; celui des Hautes-Alpes déplore que la fréquentation des écoles primaires laisse de plus en plus à désirer, et il ajoute que la plupart des maîtres en prennent aisément leur parti et ne font rien pour améliorer la situation ; et celui de l’Aisne, enfin, tout en déclarant qu’il ne faut pas « marquer trop de défiance en l’avenir, » écrit sans ambages : « Nous ne sommes plus au temps des interminables listes d’aspirans et d’aspirantes, où l’on pouvait choisir pour les écoles normales une élite intellectuelle et morale ; l’époque aussi est passée du futur normalien qui se considérait, dès avant le concours, comme investi déjà de la grave fonction d’éducateur public. » Parmi les optimistes allégresses où certaines autorités officielles essayent de s’attarder, ces constatations résonnent comme de fausses notes ; mais les fausses notes sont parfois les vraies.


IV

Il est une panacée qui aidera l’instituteur à se consoler de ses déceptions de moraliste ; cette panacée, c’est la politique ; on la