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d’Utrecht, dit de même que les sujets de la France auront la liberté de la pêche et de la sécherie, et le traité de 1783 parle aussi du droit de pêche sans y apporter la moindre limitation. La déclaration du 3 septembre 1783 est peut-être plus formelle encore : car elle n’oblige pas seulement les sujets britanniques à respecter la pêche des Français, elle les contraint à ne point les gêner dans leurs pêches (au pluriel) : n’était-ce pas autoriser nos compatriotes à exercer toutes les pêches possibles dans les eaux de Terre-Neuve ? S’il n’en était ainsi, si certaines pêches devaient être permises aux Terre-Neuviens ou aux Anglais, comprendrait-on d’ailleurs ces expressions de la loi de George III, de 1788, — reproduites dans toutes les lois britanniques postérieures, jusque dans le bill d’exécution de 1891, — qui ordonnent au gouverneur et aux officiers de Terre-Neuve « d’écarter ou faire écarter tous vaisseaux, navires et bateaux appartenant aux sujets de Sa Majesté (Britannique) trouvés dans les limites entre le cap Saint-Jean et le cap Raye ; » puisque ni les Anglais ni les Terre-Neuviens ne peuvent avoir de bâtimens de pêche dans les eaux terre-neuviennes, c’est vraisemblablement qu’ils n’ont le droit de s’y livrer à aucune sorte de pêche.

Mais, ajoute lord Salisbury, si les Français ont le droit de pêcher le homard, ils ne peuvent du moins posséder sur la côte des hangars où ils le feront bouillir et le mettront en boîtes, puisque les traités leur permettent seulement l’installation de chauffauds et de cabanes « usités pour le séchage[1] ; » est-il concevable qu’on ait accordé à des pêcheurs le droit de prendre des produits de la mer dont il leur serait impossible d’assurer la conservation ?

À cette considération nous pourrions répondre, non sans raison, que les mots chauffauds, cabanes, sécher, employés dans le traité d’Utrecht, sont simplement des énonciations et des exemples, tirés du fait présent, et qui ne manifestent chez les négociateurs aucune intention étroite et limitative. Nous ne ferons cependant pas cette réponse, car nous pouvons en faire une autre, plus expressive en ce qu’elle laisse aux mots du traité

  1. On dit souvent que ces chauffauds et ces cabanes de pêche doivent être temporaires, limités à la saison de la pêche cela ne paraît pas exact, car la déclaration de 1783 autorise les pêcheurs français, non seulement à construire ces habitations, mais encore à les « réparer, » et elle défend aux sujets britanniques de déranger les établissemens dont il s’agit « en l’absence » des Français, qui ne peuvent hiverner sur la côte.