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Trois jours après, le 5 février, à l’ouverture des Chambres dans la salle des États, l’Empereur prononça un discours à la fois rassurant et alarmant. Calmer et inquiéter tour à tour l’opinion était le moyen dont il se servait pour vaincre ses résistances et l’entraîner. Il s’attaquait aux inquiétudes vagues, aux sourdes agitations qui, sans cause bien définie, s’emparaient des esprits et altéraient la confiance publique. Il s’étonnait de ces émotions. On semblait douter de sa modération, en même temps que de la puissance réelle de la France. Rassurer l’Europe, rendre à la France son rang, maintenir étroitement l’alliance avec l’Angleterre, telle avait été sa constante politique. Cette alliance, d’ailleurs, portait ses fruits : non seulement la France et l’Angleterre avaient acquis ensemble une gloire durable en Orient, mais elles avaient ouvert en Chine un nouvel empire à la civilisation et à la religion chrétienne. — « Depuis la paix, ajoutait l’Empereur, mes rapports avec la Russie ont pris le caractère de la plus franche cordialité. J’ai également à me féliciter de mes relations avec la Prusse ; elles n’ont pas cessé d’être animées d’une bienveillance mutuelle. Le cabinet de Vienne, au contraire, et le mien, je le dis à regret, se sont trouvés en dissidence sur les questions principales, et il a fallu un grand esprit de conciliation pour parvenir à les résoudre. La reconstitution des Principautés danubiennes n’a pu se terminer qu’après de nombreux efforts, et, si l’on demandait quel intérêt a la France dans ces contrées lointaines qu’arrose le Danube, je répondrais que l’intérêt de la France est partout où il y a une cause juste et civilisatrice à faire prévaloir. Dans cet état de choses, il n’y avait rien d’extraordinaire à ce que la France se rapprochât davantage du Piémont si dévoué pendant la guerre, si fidèle à notre politique depuis la paix. L’heureuse union de mon bien-aimé cousin avec la fille du roi Victor-Emmanuel n’est donc pas un de ces faits insolites auxquels il faille chercher une cause cachée, mais la conséquence naturelle de la communauté d’intérêts des deux pays et de l’amitié des deux souverains. Depuis quelque temps, l’état de l’Italie, où l’ordre ne peut être maintenu que par des troupes étrangères, inquiétait justement la diplomatie. Ce n’est pas néanmoins un motif suffisant de croire à la guerre. Loin de nous ces fausses alarmes, ces défiances intéressées ! La paix, je l’espère, ne sera pas troublée. »

Les Chambres accueillirent ce discours, qui annonçait la guerre et promettait la paix, sans le moindre enthousiasme ; elles envisageaient