Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/697

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
POÉSIE


ARIANE



Ah ! quelle âme amoureuse et souvent désolée
Comme vous à Naxos ne se vit exilée
Dans une île d’attente et de lointain espoir ?
Que mon rêve un moment sur votre rêve plane.
Douce sœur du regret, langoureuse Ariane.
Je veux songer à vous et vous aimer ce soir.

Je vous penche au métier, au clair de la croisée
Entr’ouverte, ourdissant la trame entre-croisée
Du tissu fabuleux de vos tristes amours ;
Le fil qui se dévide au vol de la navette,
N’a-t-il guidé celui que votre ennui regrette
Dans l’obscur labyrinthe et ses sournois détours ?

Et dans votre mémoire, au plus secret méandre
D’un passé si perfide, et cependant si tendre,
Toujours le même fil se déroule, parmi
Tous les longs souvenirs d’une âme inapaisée
Pour, au fond du dédale, ainsi que fit Thésée
Réveiller votre amour comme un monstre endormi,

Mais l’Oubli, du métier va détendre le voile
Dont vous aviez brodé la merveilleuse toile
Dans la mélancolie et dans l’isolement ;
Des plaisirs d’autrefois vous en tressiez la chaîne,
Ariane, et pourtant prête à l’ardeur prochaine
Vous vous en parerez pour le prochain amant.