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pintadine, une fois décollée du support naturel où elle est fixée à la façon de la moule commune par son byssus, ne s’attachait pas une seconde fois et était condamnée à périr. C’est une erreur. La pintadine n’est pas plus délicate qu’un autre bivalve ; elle est douée au contraire d’une grande résistance vitale. Elle est parfaitement transportable. M. Bouchon-Brandely a fait exécuter aux huîtres perlières de Tahiti des voyages assez longs qui duraient jusqu’à deux ou trois jours, en mer, sans en perdre une seule. Elle n’est donc ni plus exigeante ni moins robuste que l’huître comestible.

Ce qui est vrai, c’est que les conditions de son existence ne sont pas les mêmes. Elle ne peut pas vivre sur un sol marin quelconque. Il lui faut un support où elle se fixe, un collecteur résistant, de quelque nature qu’il soit, bois, fer, pierre ou brique, où un filament de son byssus trouve à se prendre. L’huître comestible, détachée du rocher, peut vivre sur le sable où on la dépose et y constituer, à de faibles profondeurs, au voisinage de la partie de la plage que découvre chaque marée, des parcs d’exploitation facile. Il n’en est pas de même pour la pintadine : elle ne peut pas subsister indépendante, sans support ; elle meurt sur le sable. Il faut donc que le fond sur lequel on transportera l’huître perlière, lui convienne, et d’abord qu’il soit résistant, ni vaseux ni sableux. Mais il faut aussi qu’il convienne à l’ostréiculteur, qu’il lui permette de surveiller les mollusques et de les retirer sans difficulté. Les fonds madréporiques et coralliaires remplissent mal cette condition ; ils rendent la surveillance et la récolte laborieuses.

Pour concilier ces exigences contradictoires, M. Bouchon-Brandely a proposé de recourir, pour Tahiti, à l’élevage encaisses. Ce système a donné de bons résultats dans plusieurs stations ostréicoles de l’Océan et de la Méditerranée. Les caisses sont à claire-voie ; les pintadines y reposent, chacune en son casier. La position de l’appareil, lesté de pierres, submergé à la profondeur convenable, est indiquée par une bouée. Une embarcation munie de poulies et d’un moulinet permet l’immersion des caisses ; elle en facilite aussi le retrait lorsqu’il est nécessaire de les examiner, de les débarrasser des parasites et des sédimens qui s’y fixent.

C’est là un système un peu compliqué pour la paresse des Tahitiens. En Amérique, l’un de nos compatriotes a inauguré une sorte d’ostréiculture beaucoup plus simple. M. G. Vives, qui est