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UN OFFICIER DES GUERRES DE L’EMPIRE

gardiens, ce dont Kléber le récompensa en l’attachant à son état-major.

« Le 5 thermidor an II, écrit Reiset dans ses notes, je pars pour Liège, où je dois m’équiper, ravi de me voir les épaulettes et d’avoir un cheval à moi. » Il rejoint ensuite à Cologne l’armée de Sambre-et-Meuse et prend part avec Kléber au siège de Maëstricht ; après quoi, nous le voyons tour à tour en Hollande, où il passe l’hiver, à Grefeld en Prusse, à Oberingstein sur le Rhin. Une lettre qu’il écrit à son père, le lendemain de la bataille de Dusseldorff, nous le montre dans toute la fièvre de son enthousiasme juvénile : « Demain peut-être, y lisons-nous, j’aurai de nouvelles victoires à vous annoncer. Il faut que nous allions chez lui tirer les oreilles à Monsieur l’Empereur, si nous voulons bientôt avoir la paix… Voilà trois jours et trois nuits que je passe à cheval sans cesser presque de me battre : mais ni périls ni fatigues ne doivent arrêter un Français, et la mort ne peut l’effrayer lorsqu’il est sûr de mourir avec gloire. N’ayez du reste aucune crainte sur mon sort : j’ai tant de fois échappé aux plus grands périls que je me crois maintenant, avec l’aide de Dieu, au-dessus de tout danger. Et j’ai le ferme espoir que bientôt je pourrai vous dire, avec bien d’autres : ce n’est pas en vain que nous avons travaillé à sauver notre malheureux pays, et à lui rendre la paix et la tranquillité dont il a tant besoin. »

Cette même fièvre belliqueuse, mêlée aux mêmes rêves d’une paix universelle et définitive, se retrouve dans les lettres et les notes des mois suivans. « Hier au soir, écrit Reiset d’Andernach le 23 mai 1796, les Autrichiens ont rompu la trêve. Lorsque les tonnerres gronderont, la satisfaction sera complète dans notre armée. Toutes les musiques se sont assemblées sur le Rhin et ont fait retentir notre joie. Il paraît que c’est nous, ou plutôt le général Kléber, qui commencera à montrer à ces fiers sots que nous sommes leurs maîtres. Sois persuadé, mon cher ami, que ce dernier coup nous ramènera cette douce paix, l’espoir de tout le monde. » Et de Mulhein, le 31 mai : « Tout est content, heureux, le soldat a des vivres assurés pour longtemps. Il est bien habillé, bien discipliné, et surtout bien disposé. »

À Altenkirchen le 4 juin, à Ucknek le 19, à Butsbach le 24, le jeune Reiset, qui venait d’être pourvu de son brevet de sous-lieutenant, contribua vaillamment aux succès de Kléber. Il reste à ses côtés encore durant la longue et pénible retraite qui devait