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d’un siècle, représente encore aujourd’hui au Caire l’élément le plus important après la Grande-Bretagne : nos compatriotes sont porteurs des deux tiers environ de la dette égyptienne ; le Crédit lyonnais est le banquier de la Caisse de cette dette ; nous avons fondé le Crédit foncier égyptien, dont les principaux actionnaires et obligataires sont Français ; nous avons des intérêts dans de nombreuses compagnies industrielles ; beaucoup de maisons de commerce d’Alexandrie sont dirigées par des Français, ou sont en relations étroites avec Marseille et Paris. Les trois cinquièmes des administrateurs et presque tout le personnel du canal de Suez sont français. Notre commerce avec l’Égypte nous place au troisième rang, après l’Angleterre et la Turquie pour les importations ; après l’Angleterre et la Russie pour les exportations. Il ne serait pas conforme à l’intérêt de l’Europe que les Anglais modifiassent un organisme créé par sa volonté et qui se compose, non seulement de la Caisse de la Dette et des administrations soumises à son contrôle, mais des tribunaux mixtes. Nous n’avons pu, dans notre étude, nous étendre sur cette institution judiciaire, dont nous avons seulement mentionné la création en 1875. Elle se lie cependant à la question financière, puisqu’elle permet aux créanciers du Trésor de poursuivre utilement l’exécution des engagemens pris vis-à-vis d’eux. Depuis le quart de siècle qu’elle existe, elle a fait ses preuves, et, — comme le rappelait l’autre jour M. E.-M. de Vogüé, dans l’éloquent article qu’il consacrait à la mémoire de Nubar-Pacha, — le Khédive dut s’incliner devant elle, le jour où les huissiers affichèrent sur le palais d’Abdin les exploits décernés contre Son Altesse. Alors même que les opérations de rachat qui se poursuivent auraient, d’ici à 1905, fait disparaître la dette de la Daïra et des Domaines, la dette privilégiée et la dette unifiée subsisteront et exigeront le maintien des garanties internationales dont elles sont entourées et que rien ne saurait remplacer. D’autre part, nous venons de rappeler comment l’administration de la justice se lie à celle des finances ; l’une et l’autre sont sous la protection des puissances, qui doivent rester unies pour assurer le maintien d’un ordre de choses aussi salutaire à l’Égypte qu’aux Européens établis dans la vallée du Nil.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.