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khédive Ismaïl cédait à l’Angleterre, moyennant cent millions de francs, les 176 602 actions du canal de Suez, c’est-à-dire les sept seizièmes environ du capital de l’entreprise. Déjà, en 1869, Ismaïl avait aliéné les coupons de ces titres pour vingt-cinq années, c’est-à-dire ceux du 1er janvier 1870 au 1er juillet 1894, lesquels avaient eux-mêmes été représentés par 120 000 délégations, donnant chacune droit à un revenu annuel égal au 120 millième du total des 176 602 coupons. Ces délégations ont été successivement amorties et n’existent plus depuis 1894 ; en 1895, les 176 602 actions ont recouvré le droit au coupon, qui représente en ce moment pour l’Angleterre un revenu annuel d’environ 17 millions de francs, soit plus de 17 pour 100 du prix d’acquisition. Jusqu’en 1895, le gouvernement égyptien a versé à l’Angleterre l’intérêt à 5 pour 100 sur ce prix. Chaque action, payée alors 575 francs, en vaut 3 700 aujourd’hui. Une fois de plus, les hommes d’État anglais avaient fait preuve de décision au moment opportun. Le Khédive avait d’abord fait offrir les titres au gouvernement français, qui n’osa pas prendre la responsabilité d’un acte, aussi utile cependant au point de vue politique que rémunérateur au point de vue financier. Disraeli, chef du cabinet anglais, comprit du premier coup l’importance de l’affaire et télégraphia aussitôt au consul général britannique au Caire, M. Stanton, de signer avec Ismaïl la convention : en vingt-quatre heures les fonds furent prêts ; une grande maison de la Cité les avança. Le Parlement ne fut saisi que Lorsque tout était terminé, et ratifia avec reconnaissance l’initiative patriotique de son premier ministre. Grâce à elle, le Royaume-Uni, dont le pavillon flotte sur les quatre cinquièmes des navires qui traversent le canal, en est devenu le principal actionnaire ; il a désigné dix administrateurs sur 25, et fait entendre sa voix chaque fois qu’une résolution importante est à l’ordre du jour.

dette négociation avait fort à propos fourni au Trésor une rentrée de ion millions de francs, et donna à M. Stephen Cave, délégué financier anglais, le temps d’arriver : les fonds remontèrent à 72. Mais les espérances un moment conçues ne tardèrent pas à s’évanouir : dès Le 5 janvier, le cours était retombé à 61. L’hiver se passa à chercher des solutions qui n’aboutirent point. M. Cave retourna en Angleterre ; Nubar-Pacha[1], président du

  1. Mort en janvier 1890.