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changement possible. Un homme plus entreprenant que ses compatriotes veut-il introduire la moindre industrie nouvelle, la plus légère modification à l’ordre de choses existant, il attirera aussitôt sur lui l’attention des mandarins, dont il lui faudra obtenir l’assentiment en leur distribuant des pots-de-vin, en les intéressant dans ses affaires, à tel point que tout bénéfice disparaîtra, qu’il devra renoncer à ses projets, ou que du moins leur exécution ne produira que des résultats insignifians. Mais qui n’est ni progressif ni plaideur n’a guère affaire à l’administration et vit assez tranquille ; les impôts sont légers pour les paysans, qui subsistent de ce qu’ils récoltent sur leur champ, ou les journaliers, dont les besoins sont extrêmement limités ; ils frappent surtout durement les transactions et les transports de marchandises, gênent énormément le commerce, contribuent indirectement à maintenir les classes inférieures dans un état de grande pauvreté, mais ne les touchent guère directement, par suite de cette pauvreté même qui les oblige à vivre recroquevillées, sans que leurs ressources leur permettent de rien acheter. L’impôt foncier ne produit en tout, d’après les investigations de l’ancien ministre d’Allemagne à Pékin, M. de Brandt, l’un des hommes qui ont le plus étudié la Chine à ce point de vue, que 35 millions de taëls (132 millions de francs) et ne s’élève, dans le nord qu’à 9 fr. 25 au plus par hectare, et dans le sud à 40 francs au maximum. C’est peu si l’on considère le caractère extrêmement intensif de l’agriculture chinoise, qui utilise en général le sol toute l’année durant, pour en tirer deux récoltes. L’ensemble du budget serait, d’après la même autorité, de 100 millions de taëls ou 375 millions de francs[1] ; d’autres le portent, il est vrai, à plus de 600 millions de

  1. Voici, d’après M. de Brandt, l’évaluation des diverses sources de recettes de l’État chinois :
    Taëls Haï-Kwan
    Impôt foncier 35 000 000
    Douanes des ports ouverts (perçues par le service international des douanes) 23 000 000
    Droits de transit intérieur (likin) 12 000 000
    Douanes indigènes et taxe sur l’opium indigène 10 000 000
    Gabelle 10 000 000
    Vente de titres et de distinctions honorifiques 5 000 000
    Tribut du riz 3 000 000
    Licences, etc 2 000 000
    TOTAL 100 000 000


    Les revenus publics, perçus par les trésoreries provinciales, sont, après déduction des sommes nécessaires à la satisfaction îles besoins locaux, dirigés sur Pékin. On estime qu’un tiers des recettes est en définitive disponible pour les dépenses du gouvernement central.