Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait à se prononcer entre eux. On a vu le choix qu’elle a fait. S’il avait eu besoin d’une confirmation, elle se serait produite dans le second vote, pour l’élection des vice-présidens. Ici, la Chambre procédait par scrutin de liste : pourquoi M. Aynard est-il arrivé en tête, et M. Mesureur en queue ? Sans doute, M. Aynard est un homme éminent, et, dans la récente discussion de l’arrangement commercial avec l’Italie, il a prononcé un discours dont la Chambre a été vivement frappée. Mais ce n’est pas seulement pour sa compétence en matière économique, ni pour son talent d’orateur, que la Chambre l’a élu le premier de ses vice-présidens. Tous ces choix ont une importance politique. Ils fournissent une indication. À force de répéter que la majorité de la Chambre est radicale et socialiste, on l’a fait croire à beaucoup de gens, et même à M. Charles Dupuy ; mais cela n’est pas tout à fait sûr. La Chambre, même aujourd’hui, ne se connaît pas très bien ; elle se connaissait moins encore le lendemain des élections. Elle fait des progrès dans la prise de possession d’elle-même ; elle en a encore quelques-uns à faire. Le gouvernement ne l’y a pas aidée ; elle a su se passer du gouvernement. Le ministère, n’ayant d’ailleurs pas pris assez d’autorité pour diriger les événemens, n’en a par suite pas assez pour diriger la Chambre. Les choses vont un peu à l’aventure, mais les leçons s’en dégagent peut-être plus naturellement.

Nous ne voulons pourtant pas préciser dès aujourd’hui le sens de ces leçons, non pas tant parce qu’il nous paraît encore confus sur certains points, — la plupart des nuages sont dès maintenant dissipés, — mais parce que nous espérons d’un avenir prochain une clarté encore plus grande, et plus frappante pour tous les yeux. Depuis le jour où la déplorable affaire qui pèse si lourdement sur nous a été soumise à la Cour de cassation, nous avons formé la résolution, — et nous l’avons annoncée, — de n’en plus dire un mot, jusqu’à l’arrêt définitif. Cet arrêt, à nos yeux, doit clore l’affaire, et, en fait, nous en acceptons d’avance toutes les conclusions, car il faut une fin à tout, même et surtout aux mauvaises choses. Les incidens qui se produisent au jour le jour, quelque sérieux qu’ils soient, ne nous détourneront pas de notre résolution, et ce serait nous en détourner que de discuter ces incidens. Sans renoncer à notre jugement, nous l’ajournons. La bruyante démission d’un président de chambre à la Cour de cassation nous fera d’autant moins sortir de notre réserve que les motifs auxquels il a obéi paraissent plus obscurs à mesure qu’il les explique. Nous ne parlerons même pas de la Ligue de la Patrie française : elle s’organise. Il faut donc attendre. D’autres n’attendent