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faut donc qu’ils y soient et qu’il le sache, mais il faut tout faire pour lui épargner de monter ces deux escaliers publics, — les plus durs de tous les escaliers d’autrui. Il faut sauver de la rue les enfans de l’ouvrier, et, pour cela, qu’il y ait des orphelinats, des crèches, des écoles gardiennes. Il faut le défendre lui-même, le protéger dans le travail et hors du travail, le sauver de ce redoutable ennemi qui le guette et rôde sans cesse autour de lui, l’alcoolisme. Pour cela, il faut qu’il y ait des associations et que des institutions de tout genre poussent et se multiplient. Ces institutions ne sont ou ne seront pas toutes des institutions d’État : elles ne peuvent pas l’être, et il vaut mieux qu’elles ne le soient pas. Mais l’État a toujours le devoir de provoquer les initiatives privées et de les encourager, de les aider à naître et à fructifier. En Belgique, il n’y manque pas et il en prend tous les moyens : il invite les communes à dégrever de certaines taxes les maisons ouvrières ; il institue entre elles des concours d’ordre et de propreté, de même que des concours d’épargne dans les écoles, et d’autres concours encore entre sociétés mutualistes. Il s’ingénie à saisir et à retenir l’homme par toutes les prises qu’on peut avoir sur lui : il va jusqu’à distribuer des décorations de mutualité et de coopération[1]. Et, en attendant qu’il le décore pour s’en être mis, il le prêche, il le catéchise pour qu’il se mette d’une de ces bienfaisantes associations, par la plume et par la parole, par des brochures et des conférences : toute une littérature est déjà sortie de cette sollicitude qui ne s’endort pas et qui va trouver l’ouvrier chez lui[2]. L’État belge s’en fait l’actif propagateur ; il la suscite, la subventionne et la récompense, il lui propose des prix, des médailles et des croix. C’est à cet objet, par-dessus tout autre, que s’applique la cinquième section de l’Office du travail.

  1. Si je ne me trompe, nous avons aussi, en France, — et ce serait bien maladroitement se priver d’un moyen d’action sur le Français que de ne pas l’avoir, — notre médaille de mutualité.
  2. Citons : le Livre de l’Épargne et de la Prévoyance, par Mlle Marie du Caju, petit traité qui a obtenu une médaille d’or à l’Exposition internationale de Bruxelles, et, au concours national de la province de Hainaut, le premier prix et une autre médaille d’or ; l’Ouvrier propriétaire de son habitation ; les Sociétés d’habitations ouvrières, guide pratique, par M. Gustave Pourbaix, avec la collaboration de MM. les abbés Malherbe et Paret (le clergé a merveilleusement compris quels grands services il peut rendre) ; les Principes fondamentaux de la mutualité, par Georges Malherbe ; la Caisse de retraite, résumé de la loi, des arrêtés royaux et des instructions, tarifs des rentes, exemples d’application ; Retraites ouvrières, appel aux industriels, par Louis Grandmaison ; Manuel pratique des Sociétés scolaires de retraite, comment on les fonde et comment on les administre, par Jules Lemoine-Bellière.