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rapides et plus intenses : ce sont des hallucinations diverses et les manifestations ordinaires du délire des grandeurs : les troubles moteurs y sont plus marqués, et enfin il se manifeste des altérations de la sensibilité cutanée bien remarquables, consistant dans des sensations de fourmillement qui donnent au malade l’impression de petits insectes cheminant sous la peau et qu’il s’efforce vainement d’en arracher. Comme il arrive dans tant d’autres névropathies, ces troubles s’exaltent le soir à la tombée de la nuit, à cette période crépusculaire redoutée des malades et que les psychiatres appellent la période hypnagogique.


II

Les médecins les mieux documentés sur les usages de la cocaïne en ignorent à peu près complètement l’histoire physiologique et l’histoire chimique. Il s’agit d’ailleurs, dans l’un et l’autre cas, de faits récemment acquis et restés épars, qui, s’ils ne peuvent être indifférens à la pratique, ne lui sont cependant pas indispensables.

Le rôle physiologique de la cocaïne a donné lieu à une discussion, fort intéressante au point de vue des faits, et très instructive au point de vue des doctrines. Il semble, à première vue, qu’un expérimentateur soigneux ne puisse éprouver aucun embarras à déterminer les effets généraux de la cocaïne, c’est-à-dire ceux que produit la substance lorsqu’elle a pénétré dans le sang et qu’elle a été distribuée par le liquide à tous les départemens de l’organisme. On peut croire qu’il n’a qu’à ouvrir les yeux et à observer le tableau qui se déroulera devant eux.

Il verra dans ce tableau trois traits dominans qui saisiront son attention et qui forment ce que l’on peut appeler la trilogie symptomatique de l’empoisonnement cocaïnique ; ce sont l’agitation motrice, — l’insensibilité généralisée, — la constriction des vaisseaux sanguins.

Voici, par exemple, un chien de 10 kilogrammes qui a reçu dans les veines une quantité de 10 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne. Si l’on doublait cette quantité, la dose serait mortelle, l’animal succomberait rapidement. Avec celle-ci, il se rétablira vite. La première manifestation qu’on verra se produire, c’est l’agitation. Le chien entre en un mouvement continuel, comme s’il obéissait à des impulsions motrices irrésistibles ; il marche, il court, sans