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marie, dit-il, de la même façon qu’on achète un cheval. C’est une grosse erreur de chercher femme au loin ; c’en est une aussi d’acheter les roncins des Allemands qui vont à Rome, plutôt que ceux de nos voisins. Ces bêtes, que nous ne pouvons connaître, sont pleines de vices. Quant au mariage, il convient de le rechercher dans son plus proche voisinage. » Et, comme preuve de ce charitable avis, il nous conte la mésaventure d’un Siennois qui s’est marié à Pise et s’aperçut à temps, au retour, qu’il emmenait dans sa suite l’amant de la jeune épouse. Son mépris de la femme paraît absolu. Il vient de nous présenter une veuve qui, après avoir arraché au mari mourant un testament favorable et versé sur le mort d’abondantes larmes, « comme elles font toutes, car cela leur coûte peu, » moins de deux mois plus tard, jette ses voiles de deuil et se remarie. L’accident est vraisemblable. Mais Sacchetti en tire toute une doctrine. « Rien ne passe et ne s’oublie si vite que la mort ; et la femme qui se répand le plus en gémissemens est la créature qui oublie le plus tôt les morts. Celle-ci l’a bien prouvé qui, à peine son mari fut enterré, se mit à en trouver un autre, et le premier a pris peut-être femme en enfer, pour se punir de son testament. Et soyez certain que la veuve n’alluma jamais un cierge pour l’âme du défunt. »

En un conte fort précieux pour l’histoire du costume des femmes et des jeunes gens en Italie, il s’élève contre les modes changeantes et de plus en plus extravagantes. Tantôt les dames vont la poitrine nue, tantôt leurs collerettes montent jusqu’aux oreilles. « Jadis, les jeunes filles allaient si honnêtement ! Aujourd’hui, elles relèvent leur capuchon en forme de barrettes, et, embéguinées à la manière des courtisanes, elles portent des colliers d’où pendent toutes sortes de bêtes appliquées à leur poitrine. Leurs manches, véritables sacs béans, sont la mode la plus désastreuse et la plus vaine ; à table, elles ne font pas un mouvement sans renverser les verres, tacher la nappe et plonger dans les sauces. » À la fin du XVe siècle, Savonarole rajeunira, contre l’indécence des costumes, la satire de Sacchetti, relevée encore par un désobligeant : Vaccæ pingues. Le conteur n’avait point pris la chose si fort au sérieux. Il connaissait d’ailleurs un remède excellent pour corriger les femmes de leurs défauts et les assouplir au plus grand avantage du foyer conjugal. J’en traduis la recette en toute sa naïveté. Il s’agit d’une veuve que le premier mari n’avait