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qui ne devait rencontrer aucune difficulté insurmontable et dont l’issue, vu l’importance relativement secondaire des intérêts en jeu, n’impliquait aucun risque pour le succès final de l’entreprise.


VI

Rien ne semblait donc plus s’opposer à l’ouverture des négociations officielles, qui devaient consacrer, par un traité formel ou par un échange de lettres, les solutions concertées dans les pourparlers officieux.

Mais le temps avait marché durant ces études préparatoires, et des considérations tirées de notre politique intérieure imposaient alors un nouveau sursis. Le cours de notre législature touchait à son terme. Déjà l’on avait à tenir compte de l’agitation qui commençait en vue des élections fixées au 8 mai 1898. Il eût été mal avisé de choisir un pareil moment pour entamer ouvertement les négociations, plus téméraire encore de porter devant les Chambres, à la fin d’une session chargée, l’arrangement qui aurait été conclu. Destiné à rétablir entre la France et l’Italie un double courant d’affaires, cet arrangement devait nécessairement concéder aux importations de la péninsule des facilités dont elles étaient privées depuis des années sur notre territoire. On conçoit aisément les inquiétudes que certaines de nos industries auraient pu en concevoir ; on imagine les argumens que des publicistes incompétens ou malintentionnés auraient fait valoir pour répandre l’alarme. Quelque soin qu’on eût pris, par exemple, de réserver aux vins français une protection suffisante sur nos marchés, on devait s’attendre à une levée en masse de nos viticulteurs, préoccupés, en dépit de toutes les démonstrations et de l’évidence même, de l’éventualité d’une concurrence italienne. Il n’aurait pas manqué de journaux pour accuser le gouvernement d’ouvrir le pays à l’invasion étrangère et de trahir la cause nationale.

Enfin, quelle imprudence de soumettre une convention de semblable nature à des députés dont le mandat touchait à son terme, et qui allaient, dans quelques semaines, en rendre compte et en demander le renouvellement ! Leur jugement ne risquait-il pas d’être influencé par des considérations tout à fait étrangères à la question ? Pouvait-on compter sur leur complète impartialité, s’ils craignaient que certaines catégories d’électeurs ne