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maison qui voulût se charger d’entreprendre ces fournitures. On dut s’adresser à des commissionnaires qui allèrent les acheter en Allemagne.

C’est aussi presque exclusivement d’Allemagne que nous recevons le sulfate de quinine, la morphine, l’alcali de l’opium, le chloral, l’aconitine et tous ces produits dont quelques-uns coûtent des sommes énormes — la cocaïne monte à 500 ou 600 francs le kilo — et absorbent, pour se dissoudre ou se cristalliser, des quantités abondantes d’alcool. Avant que l’on eût découvert des procédés nouveaux pour extraire, par le pétrole, le quinine de l’écorce du quinquina, un kilogramme de ce fébrifuge indispensable représentait une dépense de 80 litres d’alcool ; et, quoique les méthodes de travail aient changé, l’industrie germanique a profité de son avance pour arriver à des prix de revient tellement bas qu’il est difficile de lui faire concurrence. On en dirait autant d’un médicament nouveau, en grande vogue, qui, en langage de chimiste, se nomme le phényldiméthylpyrazolone et, en parler vulgaire, l’antipyrine, dans la genèse duquel l’alcool méthylique et l’éther jouent le rôle le plus important. Au cas d’une interruption de nos rapports avec l’Allemagne, la plupart de ces substances nous feraient brusquement défaut.

L’alcool passe par bien d’autres avatars : la chapellerie, la teinturerie ont plus ou moins recours à lui ; mêlé à des matières résineuses il devient le vernis des meubles et des constructions ; uni à la chaux il s’appelle chloroforme ; dissous dans du coton-poudre il forme le collodion, dont les photographes couvrent leurs plaques sensibles, que les chirurgiens appliquent au traitement des plaies pour les soustraire au contact de l’air, et qu’une invention récente transforme en écheveaux de soie artificielle[1].


VII

Si la loi nouvelle développait ces usages industriels ou domestiques, — le chauffage des petits fourneaux de cuisine par exemple, — il pourrait être bu quelques milliards de petits verres en moins, sans que les cultivateurs de betteraves et les usines qui les distillent éprouvent de ce chef aucun préjudice. Cette entrave à la boisson alcoolique, l’État la mettra quand il le voudra,

  1. Voyez dans la Revue du 15 décembre 1896 : la Soie.