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d’eau-de-vie des Charentes à 70°, logés dans un fût de chêne neuf, se réduisent en vingt-cinq ans à trois hectolitres et demi à 50°. Mais aussi, par une fusion plus intime et une oxydation des éthers, auxquels ils doivent leur parfum, les cognacs gagnent en vieillissant le moelleux et la finesse. Les vins les plus estimés s’élaborent dans les appareils les plus rustiques, dont l’imperfection même a l’avantage de laisser aux produits obtenus l’arôme qui les caractérise et auquel ils doivent la plus grande partie de leur valeur. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la « Grande Champagne, » ou de la « Petite, » ou des « Bois, » les alambics se compliquent davantage, parce que, le bouquet devenant moins fin, il est nécessaire d’éliminer de l’eau-de-vie certains principes qui lui communiqueraient un goût de terroir trop accentué.


III

Tout autre est la distillation des alcools d’industrie, où il faut économiser le temps, le combustible, et obtenir du premier jet des spiritueux à haut degré. Puis, autant il convenait de respecter le parfum naturel des eaux-de-vie de vin, autant il importe, pour les flegmes issus des jus pâteux de la betterave, des grains ou des pommes de terre, de les purger avec soin des substances qui leur communiquent une odeur désagréable et les rendraient impropres à toute consommation. Le bouquet, qui fait rechercher les unes, ferait repousser les autres. La rectification donne lieu à un travail si délicat, qu’il occupe des usines énormes.

Dans celle de MM. Delizy et Doistau, à Pantin, que j’ai visitée, passent chaque année 100000 hectolitres de spiritueux, presque le vingtième de ce qu’absorbe la France entière. Les appareils utilisés sont du même type que ceux où l’alcool est primitivement extrait par les distillateurs. Rien n’empêcherait ces derniers de procéder eux-mêmes à cette « repasse. » Seuls, les plus importans, les mieux outillés, se risquent à cette manipulation finale de leur industrie, où, faute d’exceller, leurs marchandises demeureraient invendables. La plupart cèdent leurs produits à des spécialistes, dont une organisation minutieuse explique le succès.

L’esprit-de-vin, chauffé dans la marmite, ou « cucurbite, » du bouilleur rural, s’évapore dans le « chapeau, » couvercle hermétique dont elle est surmontée, et redevient liquide en descendant