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parti tout de suite. Sa sœur, Madame de Montcalm, jeta feu et flamme contre le nouveau ministre. Madame de Jumilhac fut plus modérée. Elle attendait la mise à exécution d’une faveur promise à son fils, c’est-à-dire la substitution du nom de Richelieu, le titre de duc et la pairie. Elle sentait que, pour l’obtenir, elle avait besoin de M. Decazes. »

Après ce trait, voici quelques détails sur les nouveaux ministres :

« M. Dessoles, ministre des Affaires étrangères et président du Conseil, habitait rue du Bac, hôtel de Galliffet. Sa femme, née de Dampierre, n’était plus jeune. Leur fille n’avait guère que deux ans de moins que moi. Au ministère de la Justice, il y avait M. de Serre ; il demeurait place Vendôme ; il recevait tous les jeudis. Madame de Serre passait pour jolie ; elle avait des succès dans le monde ; on la disait ambitieuse. A la Marine, il y avait le baron Portai, Bordelais, fort des amis de M. Decazes. Sa fille, déjà veuve, était fort agréable et aidait Madame Portal à faire les honneurs des salons de la Marine. C’est moi qui présentai Madame Portal aux Tuileries. Elle connaissait fort peu de monde. Chez le Comte d’Artois, où nous allâmes en sortant de chez le Roi et où on attendait longtemps, Madame Portal parlait haut, allait à droite et à gauche, regardait avec admiration les tentures, demandait le nom des personnes qui entraient. Une bien excellente femme, d’ailleurs. Le baron Louis était ministre des Finances. Il venait plus souvent au ministère que je n’allais chez lui. Sa nièce, Mademoiselle de Rigny, l’assistait pendant ses réceptions. »

L’ambassadeur d’Angleterre à Paris était alors sir Charles Stuart, un ami de Decazes, et le seul des membres du corps diplomatique qui se fût consolé de la retraite de Richelieu. « Il donnait souvent de grands dîners et des bals charmans. » L’ambassadeur d’Autriche, le baron de Vincent, qui demeurait en haut des Champs-Elysées « dans une maison qui n’avait pas l’air d’un hôtel », était grand, maigre avec des cheveux blancs « mais glacial ». De Goltz, le ministre de Prusse, logé rue de Lille, dans l’ancien hôtel du Prince Eugène, venait assidûment chez Decazes jusqu’à la fin de 1818. « Il y vint moins après la retraite du duc de Richelieu. » Pozzo, ambassadeur de Russie, recevait beaucoup, quoiqu’il ne fût pas marié. Le duc de Fernan Nuñez, ambassadeur d’Espagne, était marié. Mais sa femme ne résidait pas en France. Petit, maigre, chétif, mais avec des yeux superbes, il