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celle qui portait l’art vers la simplification idéale de la vie. Avec Myron, Polyclète, Phidias, celle-ci était même devenue toute-puissante, et nous l’avons envisagée seule pendant un long siècle, de Périclès au règne d’Alexandre. Mais ce serait enfermer l’esprit grec dans une définition trop étroite, en méconnaître la souplesse, l’active curiosité qui l’entraîne vers tous les objets, en prendre donc une idée fort inexacte, que de le croire incapable au même moment de tendances très opposées : en réalité, il échappe à toute formule.

C’est ainsi que, vers le milieu du Ve siècle, nous trouvons contemporains, à peu d’années près, les marbres d’Olympie et ceux du Parthénon. Dans la vallée de l’Alphée, comme dans les autres endroits où les écoles locales sont davantage laissées à elles-mêmes, en dehors de l’influence des grands centres, apparaît cette recherche d’une vérité plus fidèle, la poursuite du détail copié d’après nature. Qu’il suffise de citer le vieillard du fronton est d’Olympie avec son crâne dénudé, son front sillonné de rides, sa mâchoire inférieure saillante, ou la vieille femme du fronton occidental qui n’a pas une moindre intensité de vie. C’est ainsi encore que, dans les premières années du IVe siècle, à un moment où la tradition idéaliste paraît devoir régner sans égale, le sculpteur Démétrios, étrange contraste, suit des principes d’art diamétralement opposés et parvient d’emblée au réalisme même le plus cru. Ce n’était pas un faiseur de statues, suivant le mot de Lucien, mais un faiseur d’hommes. Une de ses œuvres représentait Pélichos, général corinthien, à demi nu, le ventre proéminent, les veines saillantes, la tête chauve, la barbe rare et comme agitée par le vent. Il n’est guère possible de pousser plus loin le souci de la réalité brutale. Démétrios, je le veux bien, était un indépendant, non un chef d’école. Son œuvre est une exception en son temps, et la grande lumière émanée de Phidias a continué de jeter jusqu’à Lysippe son puissant rayonnement sur l’art grec. Toutefois, c’est à la première moitié du IVe siècle encore (vers 353 environ) qu’appartient le magnifique portrait de Mausole, ce roi de Carie dont le tombeau est devenu synonyme de toute sépulture fastueuse. Au sommet, sur la plate-forme du quadrige colossal qui couronnait l’édifice, se dressait vraisemblablement la statue du satrape carien, œuvre de Pythios. Bien que, pour répondre aux désirs d’Artémise, sieur et femme de Mausole, l’artiste ait dû chercher à glorifier le défunt et lui donner un