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aussi des admirables résultats obtenus sur la côte californienne.

Il n’est pas, en effet, d’exemple plus démonstratif de l’utilité et de l’efficacité de la pisciculture marine, pas de fait plus topique à opposer aux adversaires de celle-ci.

L’alose n’existait pas dans le Pacifique : nulle part, de la Californie à l’Alaska, on n’en avait péché un seul individu, soit en eaux douces, soit en eaux salées. La commission fédérale des pêcheries imagina, en 1871, d’envoyer quelques milliers d’alevins à la commission des pêcheries de Californie pour qu’elle tentât d’acclimater l’espèce dans les eaux du Pacifique. Douze mille alevins traversèrent donc le continent de Washington à San-Francisco, — et c’était un succès que d’avoir réussi à leur faire effectuer un voyage de six journées pleines[1], — et à leur arrivée, on les versa dans la rivière Sacramento. L’expérience fut renouvelée pendant les années suivantes, et en 1886, la commission avait « planté » environ 1 690 000 alevins dans quatre des rivières de la Californie, Les effets ne se firent point attendre : on prit bientôt des aloses dans le Sacramento, et ensuite sur la côte. A l’heure qu’il est, l’alose, jusqu’ici inconnue sur les rivages de la Californie, se trouve sur toute la côte, depuis la baie de Monterey jusqu’à la frontière du Canada. Le jour où l’on saura la chercher, on la péchera probablement en abondance jusqu’à Puget Sound, jusqu’à l’Alaska peut-être, et il n’y aurait rien de surprenant à ce que cette espèce se propageât aussi sur la côte occidentale du Pacifique, vers le Japon. Bien que les pêcheurs californiens ne prennent l’alose que par occasion, n’ayant point encore installé les engins habituellement employés pour cette pêche, ce qui réduit considérablement les possibilités du rendement, c’est par milliers de kilogrammes qu’ils capturent ce poisson chaque année. L’alose s’est donc acclimatée ; et là où elle n’existait pas, la pisciculture marine permet maintenant de la prendre abondamment. A l’heure qu’il est, on a pris pour 725 000 francs d’aloses, et les frais d’ensemencement ont été de moins de 70 000 francs.

Une expérience analogue a été faite avec un autre poisson, le striped hass (Roccus lineatus). On en a introduit 450 alevins, en

  1. Voici deux ou trois ans qu’en France on commence à connaître la possibilité d’imposer de longs voyages aux alevins et aux œufs fécondés ou non fécondés. On se donne même la peine d’imaginer des appareils et des wagons à cet usage. Si l’on était tant soit peu au courant de ce qui se fait à l’étranger, on saurait, de façon générale, que ces appareils et ces wagons existent depuis bientôt trente ans...