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de l’État blâmèrent vivement le compromis conclu avec l’Eglise. Une ligue se forma pour réclamer la laïcité absolue dans l’enseignement des écoles publiques et la substitution immédiate, obligatoire, aux écoles confessionnelles, de ces écoles dont la loi rendait la création facultative. Birmingham fut le centre de ce mouvement. Il n’eut pas de champion plus ardent que M. Joseph Chamberlain, qui débutait dans la vie publique en affichant une haine sectaire pour l’église anglicane.

Le pays toutefois donnait des signes de lassitude. Il trouvait qu’on allait trop vite, qu’on embrassait trop d’entreprises à la fois, qu’on présentait trop de solutions radicales. Les politiciens de profession redoutaient l’idéalisme gladstonien. C’était, à leur sens, une politique de principe imbécile. Au lieu d’entendre ces conseils de prudence, Gladstone s’emporta jusqu’à imposer par une sorte de coup d’État une réforme odieuse à toute l’aristocratie. La Chambre des Lords avait rejeté l’abolition de l’achat des grades dans l’armée : il recourut à une prérogative de la Couronne tombée en désuétude et supprima par voie d’ordonnance cet abus. Ses adversaires, le sentant atteint, avaient repris courage. Un grave accident vint révéler la faiblesse de ce ministère jadis invincible. Le projet de loi sur la création d’une université catholique en Irlande fut repoussé, grâce à l’intransigeance et à l’ingratitude des prélats irlandais. Gladstone offrit sa démission : il ne voulait pas traîner une agonie sans honneur. Disraeli était un trop fin matois pour le tirer ainsi d’embarras. Ce qu’il attendait, c’était la grande réaction conservatrice s’attestant par une majorité écrasante aux élections générales. Le calcul était juste. En 1874, le pays, consulté par Gladstone sur un programme où figurait au premier rang l’abolition de l’income tax, nomma une Chambre où les tories avaient près de cinquante voix de majorité. Greenwich, qui s’était honoré en nommant spontanément Gladstone rejeté par le Lancashire, lui préféra un distillateur obscur. C’était le désastre.

Si je n’ai jusqu’ici rien dit de la politique étrangère de Gladstone, ce n’est point, on me fera l’honneur de le croire, par embarras ou parti pris d’idolâtrie. La vérité est que la grande lacune de Gladstone comme homme d’État et premier ministre, c’était l’insuffisance de l’attention qu’il accordait aux affaires extérieures, subordonnées dans son esprit aux grandes questions organiques du dedans. Réaction naturelle, mais excessive, contre la méthode