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lorsqu’il use de l’italien, sa plume court vive et alerte et bien que parfois dans sa hâte il oublie quelques mots et néglige le plus souvent de mettre les points sur les z, son écriture est très lisible, très élégante. Toujours naturel, son style a du mouvement, de la clarté, une grande propriété dans les termes, avec des tours heureux, des mots plaisans, des images pittoresques. Ce qui domine dans ce style, c’est la spontanéité et la précision. Ainsi que dans la conversation, il peut prendre tous les tons, comme sans y penser, grâce à ce sens délicat de la mesure et des convenances qui semble chez lui instinctif, mais que les habitudes de la vie et le commerce de la meilleure société n’ont fait que développer en lui. A-t-il à rendre compte de ses missions, il acquiert d’emblée toute la gravité, la concision, l’exactitude de la langue diplomatique. Se sent-il plus à l’aise, comme avec Peiresc et les Du Puy, il s’abandonne, se montre lui-même avec son amabilité, sa bonne grâce, son aisance familière. C’est chose délicieuse de lire ces lettres sans apprêt, où tant de sujets sont abordés tour à tour, effleurés ou traités à fond, toujours librement, à cœur ouvert, comme entre gens qui s’aiment et se comprennent à demi mot.

L’écueil de cette vie remplie à l’excès, c’est qu’elle est trop sédentaire. Avec les années, d’ailleurs, l’amour que Rubens a pour son foyer n’a fait que croître. On comprend qu’il n’en veuille plus sortir, car il y trouve réuni tout ce qui lui est cher, tout ce qui fait l’honneur et la joie de son existence. Mais, au milieu de tant de séductions qui s’offrent à son esprit et à son cœur, la part laissée aux exercices corporels est insuffisante. Sauf sa courte promenade à cheval placée à la fin de sa journée, il n’y a rien pour contre-balancer une activité cérébrale aussi continue. Il savait ce- pendant combien un pareil régime est contraire à une hygiène raisonnable, car, dans une notice écrite par lui en latin, Sur l’Imitation des Statues, il s’élève avec force contre le genre de vie et la paresse des hommes de son temps, qui « sans prendre soin d’exercer leur corps n’ont d’autre souci que de boire et de manger. Des ventres ballonnés, des jambes sans vigueur, des bras inertes sont le fruit de cette oisiveté. Les anciens, au contraire, se livraient chaque jour dans les palestres et les gymnases à des exercices d’une violence extrême, jusqu’à être baignés de sueur et épuisés de lassitude. »

En dépit de la forte constitution de Rubens, ce travail sans