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renseigne sur l’aide qu’il tirait de ses collaborateurs. En dépit de sa prodigieuse activité, et si bien réglée que fût sa vie, il n’aurait pu suffire à tous les travaux qui lui étaient confiés. Dès les premiers temps de son installation à Anvers, ses élèves étaient si nombreux qu’il s’était bientôt trouvé dans l’impossibilité d’accueillir tous ceux qui se présentaient.

Sandrart nous parle de ces nombreux élèves « qu’il dressait avec soin, chacun suivant ses aptitudes » pour utiliser leur concours. « Ils exécutaient souvent pour lui les animaux, les paysages, les terrains, le ciel, l’eau et les bois. Lui-même ébauchait régulièrement ses œuvres dans des esquisses de deux à trois palmes de haut ; puis il faisait transporter par ses élèves sa composition sur une grande toile dont il peignait ou retouchait les parties principales. » Un médecin danois, Otto Sperling, de passage à Anvers en 1621, nous raconte de son côté la visite qu’il fit à Rubens. « Nous le trouvâmes à son chevalet ; mais, tout en poursuivant son travail, il se faisait lire Tacite et dictait une lettre. Comme nous nous taisions, craignant de le déranger, il nous adressa la parole, sans interrompre son travail pendant qu’on continuait la lecture et qu’il achevait de dicter sa lettre, comme pour nous donner la preuve de ses puissantes facultés. » Puis, après qu’un serviteur leur eut fait parcourir le magnifique palais de l’artiste et leur eut montré les antiquités et les statues grecques et romaines qu’il possédait, les visiteurs entrèrent « dans une grande pièce sans fenêtres, mais qui prenait le jour par une large baie pratiquée au milieu du plafond. Là se trouvaient réunis un grand nombre de jeunes peintres, occupés chacun d’une œuvre différente dont M. Rubens leur avait fourni un dessin au crayon qui par endroits était rehaussé de couleurs. Ces jeunes gens devaient exécuter en peinture ces modèles et M. Rubens se réservait d’y mettre la dernière main par ses retouches. » Ainsi que le croit M. Max Rooses, nous pensons que ce grand atelier, éclairé par le haut, où travaillaient les élèves devait être une construction isolée, bâtie d’une façon sommaire, qui disparut sans doute après la mort de Rubens. Elle donnait probablement sur le jardin et avait un accès indépendant. Le témoignage de Sperling est confirmé par Bellori et de Piles et les lignes suivantes empruntées à ce dernier ne sont pas moins explicites : « Comme il était extrêmement sollicité de toutes parts, Rubens faisait faire sur ses dessins coloriés, et par d’habiles disciples, un grand nombre de tableaux qu’il retouchait