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ne manqueront pas de leur imposer des conditions plus dures. Certes, les Espagnols déploient un beau courage ; s’ils ont commis des fautes dans leur politique coloniale, — et ces fautes sont graves ! et elles datent de loin ! — ils les ont, moralement, presque réparées par la manière dont ils les expient ; mais qu’attendent-ils désormais ? Ils ont cru, pendant quelque temps, que des complications générales pourraient se produire et qu’ils en tireraient avantage. L’arrivée d’une escadre allemande dans les eaux des Philippines leur a donné une espérance passagère, dont il ne reste rien aujourd’hui. Aucun secours, même le plus indirect, ne peut plus venir du dehors.

L’Espagne en est au point où il faut prendre virilement son parti de ce qui est inévitable. Au reste, si l’on refuse encore de s’en rendre compte à Madrid, où l’on commence à parler d’une crise ministérielle, il n’en est pas de même sur toute l’étendue de la Péninsule. Dans des provinces entières, riches autrefois, aujourd’hui ruinées, dans la Catalogne par exemple, on ne cache pas le désir de la paix ; on commence même à l’exprimer avec force, et peut-être demain essaiera-t-on d’en imposer la réalisation. Quelque résolution qu’adopte le gouvernement, il soulèvera des critiques, des protestations, probablement même des colères, des menaces et des dangers. S’il est pacifique, il aura demain contre lui les carlistes et les républicains, qui poussent à la guerre à outrance. S’il continue d’être belliqueux, il aura après-demain contre lui la partie la plus considérable et peut-être la plus saine de la population. C’est à lui de choisir, et nous souhaitons qu’il le fasse en se plaçant au seul point de vue des intérêts profonds et permanens du pays.

Il n’est pas douteux, — et d’ailleurs la déclaration en a été faite en termes formels, — que si l’un ou l’autre, et surtout si l’un et l’autre des belligérans croyaient pouvoir plus facilement mettre fin à leur querelle en recourant aux bons offices de l’Europe, il suffirait d’un signe pour les obtenir. Mais encore faudrait-il que ce signe fût fait. Aucune puissance ne serait assez imprudente pour offrir une médiation qu’on ne lui demanderait pas. Au surplus, les États-Unis et l’Espagne aimeront peut-être mieux faire la paix directement, sans recourir à un intermédiaire. Il serait délicat de s’engager dans des conseils à ce sujet. Le seul qu’on puisse donner est celui de faire la paix. Ici, nous ne craignons pas de nous tromper sur le bien commun de l’Espagne et des États-Unis : quant à savoir par quel procédé la paix devra être rétablie, c’est à eux de le dire. Le meilleur est celui qui aboutira le plus vite. Assez de sang a coulé pour mettre l’honneur