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REVUE LITTÉRAIRE

UN ROMAN DE MŒURS NAPOLITAINES


Notre siècle, à l’exemple du dix-huitième, est un siècle de vulgarisation scientifique. Il s’en vante à juste titre. Je remarque seulement que nous autres ignorans, depuis que la science s’est abaissée à notre niveau, nous avons pris certaines façons nouvelles de raisonner et de discuter. Nous ne nous contentons plus des notions que nous fournissait le bon sens aidé de l’expérience, et qui, modestes sans doute et timides, avaient du moins le mérite d’être comprises de ceux qui les employaient. Nous avons maintenant à notre disposition de grandes théories, ornées d’étiquettes toutes pleines de prestige. Ces théories sont si générales, que chacun en peut tirer l’application qui lui convient, et les termes qui les désignent sont si parfaitement abstraits, que chacun peut les interpréter au gré de ses désirs et y découvrir les réalités dont il a besoin. Faut-il rappeler à quels usages imprévus on a plié les théories ou les hypothèses de l’hérédité et de la lutte pour la vie ? Altérées, faussées, parodiées, elles ont servi à décorer nombre de sottises et à pallier nombre d’infamies. Mais c’est l’idée de race dont on a fait en ces derniers temps le plus étrange et le plus dangereux abus. On l’a fait entrer dans les controverses journalières où elle joue le rôle d’argument décisif, et jusque dans les conversations familières, dont elle est le « tarte à la crème » sans réplique. Qu’il s’agisse de politique ou de religion, d’affaires intérieures ou internationales, de rapports de classes ou de rapports de peuples, elle y est pareillement de mise et se prête avec une souplesse merveilleuse à tous les emplois. Elle n’est pas moins commode, qu’on traite de littérature ou qu’on disserte sur les