Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A côté des détériorations qui sont la conséquence du temps, de la vétusté, de l’action des insectes et des champignons, il en est d’autres qui sont le fait d’animaux et qui se produisent dans des conditions souvent bizarres.

A l’exposition d’électricité, à Paris, en 1881, on pouvait voir, dans la section norvégienne, des poteaux en bois percés, près de leur sommet, d’un trou les traversant de part en part. Ces trous sont l’œuvre d’un oiseau, le pic noir et vert, qui se nourrit d’insectes vivant sous l’écorce des arbres en décomposition. La vibration des fils fait sans doute supposer à l’oiseau qu’elle est due à la présence des insectes. Il attaque le poteau de son bec puissant et finit par le percer de trous qui ont jusqu’à 7 centimètres de diamètre. Ce fait se produit fréquemment en Norvège, sur les lignes voisines des bois où habite cet oiseau.

Dans le même pays, et probablement pour la même cause, les ours renversent souvent les poteaux. Très friands de miel, attribuant probablement au bourdonnement des abeilles le bruit produit par la vibration des fils, il arrive fréquemment qu’ils affouillent la base des poteaux et finissent par les faire tomber.

Si les ennemis animaux et végétaux des lignes télégraphiques sont nombreux dans les climats tempérés, que dira-t-on des difficultés de toutes sortes que rencontrent les télégraphistes des contrées tropicales ?

Au Brésil, les poteaux sont rarement plantés, comme en Europe, le long des routes, d’abord parce qu’il y en a peu, ensuite à cause des caravanes de lourds chariots que des bêtes de somme, sans conducteurs, traînent sur les chemins. Les poteaux seraient vite renversés par elles. Le plus souvent, les lignes ont été lancées en pleine forêt vierge, à travers des taillis et des broussailles presque impraticables, au-dessus de marais étendus et de larges fleuves à grandes crues.

Les conditions météorologiques sont une première cause de détérioration. L’air, très chargé d’humidité pendant une partie de l’année, favorise la pourriture des poteaux de bois, l’oxydation des fils et la déperdition de l’électricité. Puis viennent des sécheresses qui durent souvent pendant de longs mois : les poteaux se fendent, et les champignons se développent dans les fentes produites. L’abaissement de température, qui se produit subitement après le coucher du soleil, fait souvent rompre les fils et éclater