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Slaves du centre et du sud, seraient-ce les Slovènes catholiques de Styrie, de Carinthie, de Carniole ; ou les Croates, catholiques aussi ; ou bien seraient-ce les Serbes, grecs orthodoxes ? De tous ces groupes slaves, il faut avoir la franchise de le dire, trois ou quatre seulement apparaissent politiquement mûrs ou assez près de la maturité : les Tchèques et les Polonais, au nord ; au sud, les Slovènes et les Croates. Un pas, qui est peut-être un grand pas, a pu être fait l’été dernier, par la visite d’une délégation tchèque à Varsovie, et par l’accueil qu’elle y a reçu. Un autre pas vient d’être fait à Prague même, dans les fêtes slaves consacrées à la mémoire de Palacky. Désormais, Bohême et Pologne, ou, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, Tchèques et Polonais, marchent ensemble ou parallèlement, au moins jusqu’au carrefour, où, le chemin se rétrécissant, les deux pays ne pourront plus aller de front et où il faudra que l’un passe avant l’autre. Mais, ce jour-là, lequel des deux passera le premier ? et à quelle distance, s’ils suivent, les plus petits frères slaves d’Autriche-Hongrie suivront-ils ?

Magyare, cela s’expédie aussi d’un trait. Mais, si puissant que soit chez les Hongrois le sentiment de l’Etat magyar et de la nation magyare, quelque force qu’ils puisent dans la foi en leur force, ce sentiment et cette force morale, s’ils corrigent et atténuent en une certaine mesure la force matérielle du nombre, tout de même ne suppléent pas au nombre, qui, sans conteste, n’est point en faveur des Magyars. Ils sont, — d’après les statistiques officielles, — 7 500 000, contre 6 735 000 Slaves, rien qu’en Transleithanie, c’est-à-dire à peine en majorité, pour la Hongrie même. Mais si, à ces 6 735 000 Slaves de par-delà la Leitha, l’on devait ajouter les 14 805 000 d’en deçà, que feraient les 7 500 000 Magyars, en face des 21 540 000 Slaves de la Monarchie ? Il a beau être de roc et défier depuis mille ans les tempêtes de l’histoire, l’îlot hongrois serait à la fin englouti par cette mer slave, ou, plus exactement, par ces lacs slaves, qui, bien que séparés entre eux, viennent tous, à l’une de leurs pointes, le battre d’un flot courroucé.

Quoi donc, si, les Allemands ayant perdu l’hégémonie dans l’Autriche-Hongrie fédéralisée, ni les Slaves, ni les Magyars ne réussissaient à la prendre ; si la Monarchie se transformait ou se décomposait en un Empire fédératif à cinq ou six têtes, n’étant admises que les nations de droit historique ou prétendu tel, et