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ou Pays, non point par nationalités, qui ne voit que ce fédéralisme incomplet ne satisferait pas tout le monde et tôt ou tard en appellerait un autre, qui fractionnerait et subdiviserait encore l’empire d’Autriche ?

On ne sait alors ce qu’il adviendrait de la Hongrie, et par-là même de la Monarchie austro-hongroise, ou plutôt si ! on le sait bien. La Hongrie, qui déjà s’accommoderait mal de l’établissement en Cisleithanie d’un fédéralisme dans lequel la seule force du nombre assurerait la prépotence aux élémens slaves, ne s’en accommoderait plus du tout, s’il voulait passer la Leitha et, de la Bohême ou de la Galicie, gagner la Croatie ou la Transylvanie. Elle se détacherait, se replierait, et, seule ou avec d’autres, courrait le risque de ses destinées libres. Mais que serait l’Autriche sans la Hongrie, et que serait la Hongrie sans l’Autriche ? Ou enfin si, consommant le sacrifice, se souvenant qu’elle s’est engagée envers la maison de Habsbourg tant que « la descendance des deux sexes des archiducs d’Autriche ne vient pas à s’éteindre », et qu’à cet engagement elle n’a mis pour conditions essentielles que le maintien de sa propre constitution en premier lieu, et ensuite, l’introduction « du régime constitutionnel dans les autres États et Pays de Sa Majesté », — quelles que fussent, au demeurant, les relations de dépendance ou d’indépendance de ces États et Pays entre eux, quel que fût l’arrangement intérieur de l’Autriche, où elle n’aurait rien avoir ; — si donc, consommant le sacrifice, la Hongrie consentait à rester unie à l’Autriche fédéralisée, que serait la Monarchie nouvelle, qui probablement ne serait plus allemande ; serait-elle slave ou magyare ?

Slave, c’est bientôt dit ; mais, à supposer vaincues les résistances allemandes et hongroises, de quel slavisme ? Parmi toutes ces populations slaves, qui n’ont de commun que le germe primitif, rattachées seulement les unes aux autres par la vague tradition d’une fraternité lointaine, disjointes et désarticulées par tout le reste : par la langue, par la religion, par la géographie, par l’histoire ; parmi tous ces élémens slaves, si profondément, si incurablement divers, lequel imposerait au voisin, slave ou non, son slavisme particulier ? lequel donnerait son caractère à la Monarchie transformée ? Seraient-ce les Slaves du nord ; ou les Slaves du sud : ceux de Cisleithanie ; ou ceux de Transleithanie ? Parmi les Slaves du nord, seraient-ce les catholiques, Tchèques, Polonais et Slovaques ; ou les grecs unis, les Ruthènes ? Parmi les