Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

menait en Belgique une campagne de propagande très active en faveur du Congo. Au retour de ses voyages, le capitaine Thys se faisait entendre à Bruxelles, à Liège et à Anvers. Dans ce grand port venaient justement d’avoir lieu les premières ventes d’ivoire et de caoutchouc. L’Etat Indépendant devenait de plus en plus populaire et, comme, d’autre part, la majeure partie de ses officiers et de ses fonctionnaires étaient Belges, il se créait un lien plus- étroit entre lui et la Belgique. Mais l’argent faisait toujours défaut ; l’emprunt à lots n’avait pas donné tout ce qu’on espérait et il fallait trouver de nouvelles ressources en vue d’un travail gigantesque : l’ouverture d’une voie ferrée reliant le Stanley-Pool au bas fleuve, Leopoldville à Matadi. Le roi s’adressa aux Chambres belges, qui autorisèrent (juillet 1889) le gouvernement à souscrire pour 10 millions d’actions à la constitution de la compagnie du chemin de fer du Congo.

L’année suivante (1890), le roi Léopold II jugea enfin le moment venu de dévoiler ses projets : la Belgique célébrait le 25e anniversaire de son couronnement ; l’entreprise africaine, l’œuvre de sa vie, était assez avancée pour être comprise et appréciée par ses sujets. Le Roi-Souverain chercha une combinaison le délivrant d’une lourde charge et assurant l’avenir de son royaume africain. Le moyen qu’il employa pour transférer l’Etat Indépendant à la Belgique est une des choses les plus curieuses de l’histoire du droit public. Sa Majesté Léopold II, dédoublant sa personnalité, adressa à Sa Majesté Léopold II, roi des Belges, le testament qu’il avait rédigé comme souverain de l’Etat Indépendant et par lequel il léguait et transmettait après sa mort à la Belgique son royaume africain. Ce testament donna lieu à l’ouverture de négociations entre le gouvernement belge et celui de l’Etat Indépendant, négociations qui aboutirent à la convention suivante :


ARTICLE PREMIER. — L’État belge s’engage à avancer, à titre de prêt, à l’État Indépendant du Congo une somme de 25 millions de francs et ce savoir : 5 millions de francs aussitôt après l’approbation de la législature et 2 millions par an pendant dix ans à partir de ce premier versement. Pendant ces dix années, les sommes ainsi prêtées ne seront point productives d’intérêts.

ART. II. — Six mois après l’expiration du terme susdit de dix ans, l’État belge pourra, s’il le juge bon, s’annexer l’État Indépendant du Congo avec les biens, droits et avantages attachés à la souveraineté de cet État… mais aussi à charge de reprendre les obligations dudit État envers les tiers, le Roi Souverain refusant expressément toute indemnité du chef des sacrifices personnels qu’il s’est imposés.