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On se tromperait en effet si l’on cherchait dans Paris ce que semble en annoncer le titre, mais que M. Zola n’y a point du tout voulu mettre : une « synthèse », ou un « symbole » de la grande ville ; et tout ce qu’il y avait de « morceaux de rue » dispersés dans le Ventre de Paris, dans l’Assommoir, dans Une page d’Amour, dans Pot-Bouille, dans l’Argent, ramassé, rassemblé et fondu comme en un seul tableau. Sans doute on y trouvera des « scènes de la vie parisienne » : un dîner au Café Anglais, une séance de la Chambre, une vente de charité, une soirée de café-concert, au Cabinet des Horreurs, un mariage à la Madeleine, une exécution capitale ; et, chemin faisant, la chronique de ces dernières années, l’effondrement du ministère Barroux, la bombe de la rue Godot-de-Mauroy, l’affaire des Chemins de fer africains, quoi encore ? Mais ce ne sont là que des épisodes ou des moyens, et l’auteur a eu soin, dès ses premières pages, de circonscrire nettement le sujet de son récit. Pour son héros, l’abbé Froment, « après deux expériences misérablement avortées, Lourdes, où la glorification de l’absurde lui avait fait prendre en pitié l’essai de retour en arrière, à la primitive foi des peuples jeunes, courbés sous la terreur de leur ignorance ; et Rome, incapable de renouveau, qu’il avait vue moribonde parmi ses ruines, grande ombre bientôt négligeable, qui tombait à la poussière des religions mortes », Paris n’est pour l’abbé Froment qu’une dernière et suprême expérience, où viennent achever de « se débattre son cœur et sa raison » ; et en conséquence, M. Zola n’a pris du tout Paris, pour le faire entrer dans son roman, que ce qu’il a cru nécessaire ou utile à l’entière et pleine réalisation de l’expérience. Ce qui d’ailleurs ne veut pas dire qu’il n’y ait dans Paris des scènes inutiles, des descriptions oiseuses, étrangères ou indifférentes à l’objet de M. Zola. La nature, ici comme dans Lourdes, comme dans Rome, a été la plus forte ; et l’assembleur de « documens », de mots aussi, qui est au fond de M. Zola, n’a pu résister à la griserie de sa propre rhétorique, non plus qu’à la muette sollicitation de ses « notes » ou de ses « dossiers ». Et au fait, pourquoi des « notes », si l’on ne multipliait les occasions de s’en servir ? Mais enfin, son dessein est autre, et ce ne sont point ces scènes de la vie parisienne, ni Paris même qui sont le vrai sujet de Paris.

Ce ne sont pas davantage l’attentat, la poursuite, et l’exécution de l’anarchiste Salvat ; ni le mariage de Camille Duvillard, la fille du baron Duvillard, « le pourrisseur, le dévorateur, le tentateur aussi, l’acheteur des consciences à vendre, le jouisseur » ; et encore bien moins les amours de son fils Hyacinthe avec la « petite princesse Rosemonde »,