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de même cette surabondance de population a poussé chaque année un certain nombre d’individus à chercher fortune au loin. Il n’y a pas cependant dans ce dernier cas corrélation exacte entre les deux phénomènes. L’émigration allemande s’est ralentie en même temps que la prospérité nationale augmentait : il semble que, se trouvant plus heureuses au pays natal qu’autrefois, les populations soient d’humeur plus sédentaire. Mais jusqu’ici l’Allemagne n’a pas ressenti l’effet fâcheux de la richesse, qui ailleurs tend à diminuer le nombre des enfans. Il est difficile de prédire ce que l’avenir lui réserve à cet égard ; difficile aussi de prévoir le temps pendant lequel ses nationaux, établis dans les autres continens, se sentiront rattachés par un lien quelconque à la mère patrie. Il n’est pas vraisemblable qu’au milieu d’une communauté aussi puissante et douée d’une vie propre aussi intense par exemple que les Etats-Unis de l’Amérique du Nord, une race garde à la longue son originalité, des goûts ou des intérêts différens de ceux de la nation en général. Mais ces assimilations inévitables ne s’accomplissent pas en un jour ; et les circonstances présentes sont telles que, sur différens points du globe, les Allemands d’Allemagne trouvent des auxiliaires précieux dans leurs compatriotes émigrés, qui n’ont pas encore perdu le souvenir de leur berceau.

Il n’est pas de moyen plus efficace d’entretenir ces relations que des communications constantes. L’empereur Guillaume II a donc raison de s’occuper avec une sollicitude particulière des questions maritimes. Inspirons-nous de cet exemple, nous que la nature a favorisés en nous donnant la mer comme frontière principale et qui sommes, depuis de longs siècles, habitués à promener nos escadres dans tous les parages connus et inconnus. Sachons nous servir de notre empire colonial, vers lequel tant de jeunes ardeurs, tant de généreuses initiatives sont aujourd’hui tendues. Envoyons nos cadets à la conquête de hautes situations commerciales dans les pays d’outre-mer, où les qualités d’ordre, de netteté, de loyauté qui nous distinguent auront bien vite fait de leur assurer une place considérable.

Ce n’est pas seulement à l’étude des pays étrangers que nous convions nos jeunes générations. D’immenses progrès ont été réalisés à cet égard depuis 1870. Nulle part les langues étrangères ne sont plus et mieux apprises qu’en France : le mouvement dont feu mon père, Benjamin Lévy, premier inspecteur général des