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douanière à l’intérêt des propriétaires, il convient de ménager la culture, et, si on abaisse les droits, de modifier dans la mesure du possible le système d’impôts en sa faveur. Enfin, en réponse à la troisième question, on est unanime à reconnaître que ce n’est pas par la réduction des salaires que la puissance économique d’un pays augmente ; bien au contraire, il faudrait maintenir et, si possible, augmenter les salaires des ouvriers, qui deviennent ainsi les meilleurs consommateurs. Les Etats-Unis d’Amérique démontrent cette vérité d’une façon frappante.

En tout cas, les efforts faits pour coaliser en Allemagne le parti agraire et les industriels soulèvent bien des critiques de la part de ceux qui résistent à cette politique du ralliement (Sammlungs Politik). Ils font observer que l’industrie n’est plus dans la même situation qu’à l’époque où elle devait disputer à l’industrie étrangère, notamment à celle de l’Angleterre, le marché national. Elle y règne sans conteste, mais il ne lui suffit plus ; elle a besoin de débouchés au dehors, et comment les obtiendra-t-elle, si une politique de hauts tarifs amène des représailles de la part des autres pays ? Il résulterait de cette situation nouvelle, à l’intérieur même des frontières allemandes, entre les divers producteurs, une concurrence acharnée, qui amènerait les conséquences les plus graves. C’est ce qu’objectent les partisans des traités de commerce aux meneurs de la campagne, dont l’intransigeance se manifeste à tout propos. Au mois de mars dernier, à l’occasion du vote des subsides à accorder à certaines lignes de vapeurs, des députés ont demandé qu’il fût désormais interdit aux navires subventionnés de rapporter en Allemagne, comme fret de retour, des céréales, de la viande, de la laiterie et jusqu’à de la laine ; ce n’est qu’après une vive discussion que cette étrange proposition a été écartée.

Mais, quelle que soit l’influence de ce parti, il paraît peu probable qu’il impose au pays son programme tout entier. La contradiction est trop grande entre ses principes et les besoins d’expansion commerciale et industrielle d’une communauté de 53 millions d’âmes. La meilleure garantie contre la politique ultra-protectionniste réside dans l’accroissement de la population. De même qu’un excès de naissances sur les décès, qui a été jusqu’à dépasser en une année le chiffre de 800 000, a créé des besoins d’importations de céréales et stimulé la production industrielle, grâce à laquelle se paient les objets d’alimentation venus du dehors ;