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Petchili, c’est-à-dire de Pékin. On sait avec quelle habileté la diplomatie allemande a saisi l’occasion de l’assassinat de quelques-uns de ses nationaux pour réclamer de la Chine une compensation ; comment cette compensation s’est trouvée être un point stratégique et commercial, où les Allemands vont, selon toute vraisemblance, créer un centre dont ils essaieront de faire ce que Hong-Kong et Shanghaï sont pour les Anglais.

Mais quel que soit l’avenir de cette « prise à bail » chinoise, ce n’est pas l’énumération des établissemens officiels qui donne une idée, même lointaine, de l’action allemande au dehors. Elle paraîtrait mesquine à côté de notre empire d’Extrême-Orient et de nos possessions africaines. Ce qu’il faut considérer, c’est l’œuvre incessante des particuliers qui s’efforcent de créer des débouchés au commerce et à l’industrie nationale. Ce serait une erreur que de mesurer l’empire colonial allemand aux pays sur lesquels le protectorat a été officiellement déclaré. Ces millions de kilomètres carrés, où quelques milliers d’Européens sont installés et dont une faible partie seule prendra peut-être quelque valeur le jour où des chemins de fer y auront été construits, ne sont que l’appoint de l’expansion allemande. Celle-ci se manifeste d’une façon bien autrement puissante par le courant continu qui porte chaque année un certain nombre de ses enfans vers les pays étrangers et qui est arrivé à constituer en certains endroits des agglomérations imposantes.

Nous n’irons pas jusqu’à suivre un géographe d’outre-Rhin dans sa façon de compter comme « pays de colonisation allemande » tous les points du globe où ses compatriotes ont fait souche et au nombre desquels il a eu la naïveté ou l’insolence de mettre un certain nombre de régions européennes ; mais nous n’en constaterons pas moins que, là surtout où les agglomérations d’émigrés sont nombreuses, elles constituent des débouchés précieux pour le commerce de leur pays d’origine ; le goût pour les articles qui en viennent subsiste et se transmet pendant plusieurs générations.

Les Allemands sont partout à l’œuvre. Les entreprises des villes hanséatiques, inaugurées dans les pays d’outre-mer aussitôt l’interdiction de commercer avec leurs colonies levée par les puissances européennes à la fin du XVIIIe et au commencement du XIXe siècle, s’étendent aujourd’hui à tous les continens. Chacune des places allemandes de quelque importance a des intérêts en