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En même temps que le commerce extérieur prenait l’allure triomphale que nous savons, le commerce intérieur subissait des modifications profondes. Les affaires en marchandises se concentraient jadis dans les foires, telles que celles de Leipzig, de Francfort-sur-Oder, fréquentées par de nombreux trafiquans nationaux et étrangers ; les marchands s’y approvisionnaient, pour plusieurs mois, de stocks, qu’ils écoulaient ensuite dans le pays par l’intermédiaire de commis voyageurs et moyennant de longs crédits accordés à leurs acheteurs. Aujourd’hui la tendance des grandes maisons est de supprimer les intermédiaires, de n’avoir plus recours aux commis voyageurs, et de vendre à meilleur marché, mais en exigeant de leur clientèle un paiement plus rapide. Elles arrivent par ce système à réaliser au bout de l’année des bénéfices aussi considérables, parce que le même capital est utilisé un plus grand nombre de fois.

De quelque côté que nous tournions nos regards, les mêmes phénomènes apparaissent. L’Allemagne, consciente de sa force, poursuit, par des moyens qui ne sont pas toujours à l’abri de la critique, mais qui la mènent au but, une politique persévérante d’expansion commerciale. Cette politique devait la conduire à des établissemens coloniaux : on ne saurait dire jusqu’ici qu’elle ait obtenu, de ce côté, des succès aussi éclatans qu’ailleurs : il n’en est pas moins nécessaire d’examiner ce qu’elle a fait.


III

L’empire colonial allemand n’existait pas en 1870 ; ce n’est qu’en 1881 qu’il est né. Il a depuis grandi rapidement : après avoir été impopulaire auprès d’une partie de la nation, il semble avoir rallié beaucoup de suffrages. Le furor colonialis qui sévit sur l’Europe à la fin du XIXe siècle s’est emparé de nos voisins ; et si, venus tard au partage des continens qui ont, à des époques diverses et dans des conditions bien différentes, attiré les nations de l’ancien monde, ils n’ont pas toujours réussi à s’assurer la meilleure part, ils sont aujourd’hui animés d’une énergie qui ne laisse passer aucune occasion d’agrandir leur lot.

Sauf deux, les établissemens allemands sont tous en terre africaine. A Togo, où le protectorat a été installé le 5 juillet 1884, la population s’élève à 3 millions d’habitans ; le territoire est de 60 000 kilomètres carrés avec 52 kilomètres de côtes. Le